Authenticité de la deuxième épître de Pierre




Il existe plusieurs arguments contre le fait que Pierre puisse être l'auteur de la deuxième épître qui lui est attribué :



La Bible de Jérusalem dit :

Mais il est d'autres considérations qui mettent en cause l'authenticité et suggèrent une date plus tardive. La langue présente avec celle de 1P de notables différences. Tout le chap.2 est une reprise, livre mais manifeste, de l'épître de Jude. Le recueil des épîtres de Paul semble déjà formé, 3 15s. Le groupe apostolique est mis en parallèle avec le groupe prophétique et l'auteur parle comme s'il n'en faisait pas partie 3 2. Ces difficultés autorisent des doutes qui sont apparus dès l'antiquité. Non seulement l'usage de l'épître n'est pas attesté avec certitude avant le IIIe siècle, mais encore certains la rejetaient, ainsi qu'en témoignent Origène, Eusèbe et Jérôme. Aussi, bien des critiques modernes refusent-ils à leur tour de l'attribuer à saint Pierre, et il est difficile de leur donner tort. Mais si un disciple postérieur s'est couvert de l'autorité de Pierre, peut-être avait-il quelque froit de le faire, soit qu'il appartînt aux cerles dépendant de l'apôtre, soit même qu'il utilisât un écrit provenant de lui, tout en l'adaptant et en le complétant à l'aide de Jude. Ce n'est pas là forcément faire un "faux", car les anciens avaient d'autres idées que nous sur la propriété littéraire et la légitimité du pseudonymat. Bible de Jérusalem, les épîtres Catholiques, page 2083.





La TOB dit :

L'auteur s'identifie avec Syméon Pierre l'apôtre (1,1). La première lettre mentionnée en 3,1 se comprend spontanément comme étant la 1er épître de Pierre. En outre, l'auteur rappelle sa présence lors de la Transfiguration du Seigneur (1,16); enfin il annonce sa mort comme prochaine (1,14). Cette identification toujours discutée soulève bien des difficultés. D'une part, il ne faut pas trop presser les indications biographiques par lesquelles l'auteur s'identifie à l'apôtre; elles appartiennent au genre littéraire des "Testaments". D'autre part, les différences stylistiques sont nombreuses entre les deux épîtres; 599 mots divergents contre 100 communs. La problématique concernant l'eschatologie n'est pas la même; cette différence suppose qu'un laps de temps assez long sépare les deux lettres. L'auteur ne semble pas appartenir à la première génération chrétienne, qui est disparue (3,4). L'épître est postérieur à celle de Jude, datée communément des dernières décennies du premier siècle. Enfin et surtout, nous l'avons vu, elle contient une mention explicite du canon des Écritures : il existe un recueil des lettres de Paul, qui, même s'il n'est pas complet, est compté parmi les "Écritures" aussi bien que les autres écrits apostoliques et prophétiques. Par ailleurs, comme il n'est pas possible de trop reculer la composition d'une épître si nourrie des traditions judéo-chrétiennes, on peut proposer comme date de rédaction 125 environ, période qui exclut une origine pétrinienne directe. [...] Avec l'Apocalypse, ce fut le livre du N.T. qui eut le plus de difficultés à se faire reconnaître. C'est par l'Eglise d'Alexandrie que cette lettre a pénétré lentement dans l'ensemble des Eglises. Absente du canon de Muratori (peu avant 200), elle est citée pour la première fois par Origène (né en 185/6, mort en 254) qui la signale comme contestée. Eusèbe (mort en 340) la range encore parmi les écrits controversés. Ce n'est qu'au Ve siècle qu'elle est reconnue par la majorité des Eglises, au VIe en Syrie. Cependant, vers l'an 200, elle est contenue dans une version égyptienne du Nouveau Testament et vers la fin du IIIe siècle dans le papyrus 72. Traduction Oeucuménique de la Bible, Introduction de la Deuxième épître de Saint Pierre, page 3005-3006.






Le dictionnaire de Westphal dit :

L’auteur se désigne lui-même sous le nom de Syméon Pierre, apôtre et esclave de Jésus-Christ {#2Pi 1:1}. A plusieurs reprises, au cours de l’écrit, l’auteur rappelle qu’il a connu Jésus, qu’il a été le témoin de sa vie. Il était l’un de ceux qui assistèrent à la transfiguration sur la montagne {#2Pi 1:18}. L’auteur fait également allusion à une première lettre {#2Pi 3:1}, qui vise évidemment la première épître de Pierre. Enfin il affirme l’unité et la solidarité de tous les apôtres dans l’enseignement des préceptes du Seigneur {#2Pi 3:2,15}.

    Toutefois les raisons sont multiples qui parlent en faveur d’une origine tardive de l’écrit: raisons de forme et raisons de fond. Tout d’abord, malgré la référence à 1 Pierre, le fossé qui sépare les deux écrits est immense. Le nom de l’adresse et le titre sont différents. Le style des deux lettres ne peut provenir de la même main. L’auteur de 2 Pierre écrit un grec beaucoup moins pur et en même temps plus ampoulé que celui de 1 Pierre. Il utilise des expressions et des mots recherchés, des termes techniques {#2Pi 2:22 3:10} qui sont en usage dans le grec tardif. Il cherche à faire du style, mais manque d’envolée. Si la différence se manifeste quant à la forme extérieure, elle est encore plus visible quant au contenu. Alors que 1 Pierre a subi fortement l’influence de l’A.T., notre écrit en est complètement indépendant. La parenté manifeste que présente 1 Pierre avec Paul est absente ici. Enfin les conceptions elles-mêmes sont autres. Dans 1 Pierre, le retour du Christ, que l’auteur désigne sous le nom de «révélation» (apocalupsis), apparaît beaucoup plus proche que dans 2 Pierre, qui le désigne du nom de «parousie» (voir #1Pi 1:7,12,13 4:13 et #2Pi 1:16 3:4). Et l’espérance qui joue un rôle si important dans 1 Pierre est remplacée par la connaissance. Nous ne retrouvons ici aucune des allusions aux persécutions et tribulations dont il est question dans 1 Pierre. Le Christ souffrant, qui forme l’intérêt principal de l’auteur de la première épître, fait place à un Christ plein de majesté et de puissance.

    En dehors de 1 Pierre dont le lien avec notre épître semble bien fictif, 2 Pierre ne se trouve en rapport direct avec aucun autre écrit du N.T., si ce n’est avec l’épître de Jude. L’auteur connaît et utilise Jude, et son ch. 2 n’est qu’un développement de cet écrit. L’antériorité apparaît nettement du côté de Jude, malgré la référence que fait celui-ci à l’enseignement des apôtres {#Jude 1:18}, alors que l’auteur de 2 Pierre parle de sa propre autorité en tant qu’apôtre. En effet, il est difficile de comprendre les allusions de 2 Pierre {#2Pi 2:10 et suivant} si l’on ignore le passage de Jude (verset 8 et suivant) où l’allusion à l’Assomption de Moïse est beaucoup plus nette. Une raison pourrait être invoquée en faveur de la priorité de 2 Pierre par rapport à Jude: c’est le fait que Jude parle des hérétiques gnostiques contre lesquels il lutte, comme d’un danger présent, tandis que notre auteur les mentionne au futur, prophétisant leur apparition ultérieure. Mais un regard jeté sur ce chap. 2 de notre épître suffit à prouver qu’il s’agit là d’une pure fiction. Le chapitre, qui débute avec le futur {#2Pi 2:1,3}, passe au présent {#2Pi 2:10,14}; puis emploie même le passé {#2Pi 2:15}. Il est bien difficile sinon impossible de croire que Jude aurait utilisé ce récit artificiel pour en faire un récit naturel. Une autre raison encore milite en faveur de l’antériorité de Jude. Tandis que celui-ci cite ouvertement les apocalypses juives auxquelles il se réfère, notre auteur, tout en conservant les termes, supprime ces allusions. Ce phénomène n’a pu se produire qu’à une époque tardive où les apocryphes ne jouissaient plus d’aucune autorité dans l’Église. Enfin les hérétiques contre lesquels lutte notre auteur sont déjà sortis de la communauté {#2Pi 2:18 et suivants}. Ils n’appartiennent plus à l’Église, tandis que chez Jude les hérétiques font encore partie de la communauté {#Jude 1:4} et prennent part aux agapes {#Jude 1:12}. L’épître de Jude correspond donc mieux à un état primitif de l’Église chrétienne pour laquelle les hérésies gnostiques commençaient à devenir un danger, que 2 Pierre qui donne un écho de la lutte qui mit aux prises l’Église avec les hérétiques déjà sortis de son sein.

    En dehors de ces raisons qui semblent prouver une origine assez récente, il y en a d’autres qui la confirment. Le fait que les lettres de Paul sont désignées comme «Écritures» sur l’interprétation desquelles on discute, et que le collège des apôtres apparaît déjà comme un bloc uniforme, nous ramène à une époque assez avancée dans l’histoire de l’Église, époque où les trois autorités: Prophète (A.T.), Kyrios et Apostolos (ainsi que le laissent transparaître #2Pi 1:19,21 3:2), sont établies comme bases pour la lutte contre le gnosticisme. La théologie elle-même de l’auteur se trouve fortement imprégnée d’hellénisme. Le salut est conçu comme une participation à la nature divine {#2Pi 1:4}. Enfin les témoignages externes sont très mauvais. Irénée et Clément ne connaissent qu’une seule ép. de Pierre; le Canon de Muratori l’ignore, comme la Pechitto. Le premier auteur qui y fasse allusion est Origène, et encore est-ce pour en contester l’origine pétri-nienne. Eusèbe la classe dans les Antilégomènes (H.E.,  III, 25:3), et c’est seulement au milieu du IV e siècle qu’elle est admise par l’Église (Canon de Laodicée en 360). Voir Canon du N.T.

    Tout dans cet écrit indique une origine tardive, et il ne saurait être question de l’attribuer à Pierre lui-même. Il faut probablement descendre jusqu’au milieu du II° siècle, vers 150, pour placer notre épître. A ce moment, l’Église catholique se trouvait déjà à peu près constituée. La lutte avec le gnosticisme battait son plein. Un chrétien appartenant à une communauté d’Asie Mineure ou de Syrie, qui connaissait l’épître de Jude (voir art.) probablement originaire de cette région, se décide à prévenir ses frères contre le grave danger d’un gnosticisme libertin. Ces gnostiques intrigants, cupides et débauchés essaient d’attirer à eux les âmes mal affermies. Ils blasphèment, par leurs moqueries, l’enseignement légué par les apôtres, et dénigrent la croyance en l’avènement du Christ. Et c’est pour remettre en honneur cette conception expirante de la communauté primitive que l’auteur prend la plume. Lettré, familier avec l’hellénisme, il a devant lui l’épître de Jude autrefois adressée aux chrétiens pour atteindre le même but. Il la reprend, la commente, en retranche les allusions aux apocryphes, que l’Église a rejetés de son canon. Et pour donner un caractère d’autorité à sa lettre, il la place sous le nom d’un personnage particulièrement révéré dont l’esprit est censé l’avoir inspirée, procédé littéraire assez courant dans l’antiquité. 11 connaît et mentionne 1 Pierre; il connaît les détails de la vie du disciple et les cite afin de donner plus de naturel à sa fiction. Il emploie même la forme araméenne du nom de l’apôtre. Mais, malgré toutes ces précisions qui appartiennent au domaine de la littérature, l’épître ne saurait être attribuée à l’apôtre lui-même. Elle est probablement le livre le plus récent du N.T. et ne peut prétendre remonter plus haut que le milieu du II° siècle. O. C. Dictionnaire Encyclopédique de la Bible Westphal, article "2e épître de Pierre, auteur et date".




En résumé :

La seconde épître de Pierre n'a été reconnu comme canonique par la majorité des églises qu'à partir du 4e siècle, et plusieurs Pères de l'Église ne la connaissait pas. Par la suite, plusieurs savants chrétiens ont affirmés que Pierre n'en était pas l'auteur.





12/05/2009
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