Les versets sataniques (1)


Il existe dans la Sirâ Prophétique, une histoire qui a fait beaucoup couler d'encre, notamment depuis la parution d'un des Romans de Salman Rushdie, suscitant l'enthousiasme d'un certain nombre de détracteurs de la religion musulmane. Certains Orientalistes et missionnaires chrétiens ont  exploité cette histoire pour étayer leurs thèses contre le Coran et le Prophète et les taxer tous deux de sataniques, inspirés par Satan. Il s'agit de l'histoire des déesses ou plus familièrement des versets sataniques. Pour synthétiser, le récit dit en substance que, lorsque le Prophète (que la paix soit sur lui) dirigeait une fois la prière, près de la Kaaba. Alors qu'il récitait la Sourate 53:19-20, il énonça un "verset" qui lui aurait été "insufflé" par Satan, à savoir : Ces déesses d'un rang élevé et certes leur intercession est souhaitée. Cela plut aux Qurayshites  de voir que Prophète (que la paix soit sur lui) a parlé de façon positive de leurs déesses alors ils se prosternèrent avec les musulmans. Puis, une fois la prière terminée, ils dirent que leurs divergences avec Muhammad, la paix de Dieu soit sur lui, était terminées. Ensuite, Dieu fit descendre un verset réprimandant le Prophète (que la paix soit sur lui) (Sourate 17:73-75) et un autre verset abrogeant la "révélation satanique" (Sourate 22:52).


Les détracteurs de l'Islam qui exploitent ce conte le considèrent cela va de soi comme authentique. Pour eux, c'est un fait historique. Or, cette histoire s'avère être fausse à plusieurs égards. L'analyse de cette histoire sera développée via les parties suivantes:


1) Le démenti coranique


2) Le retour des émigrés


3) Divergences des récits


4) Invalidité de cette histoire du  point de vue de l'Isnad


5) L'origine et la circulation de cette histoire expliquées





1) Démenti coranique

 

Selon l'avis le plus pertinent, la Sourate An-Najm (53) fut révélée en l'an 5 de l'apostolat de Muhammad, Paix et Bénédictions sur lui. Le Sheikh Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî, rahimahullâh,  écrit …..



Ibn Sa`d relate qu'avant cela, au mois de Rajab de l'an 5 de la Prophétie, un petit groupe de compagnons avait émigré vers l'Abyssinie. Cet incident se produisit au mois de Ramadan de la même année. Or, on les informa que le saint Prophète (Paix et bénédictions de Dieu sur lui) avait récité la sourate An-Najm devant une assemblée de Quraysh et que tous s'étaient prosternés avec lui. Les émigrants en déduisirent que les associateurs de la Mecque s'étaient converti à l'Islam. Aussi prirent-ils le chemin du retour vers la Mecque au mois de Shawwâl de l'an 5 de la Prophétie. Ils se rendirent bien vite compte que l'intensité du conflit entre l'Islam et la mécréance n'avait pas faibli. C'est alors que s'organisa la seconde vague d'émigration vers l'Abyssinie. Nous sommes pratiquement sûrs que cette sourate fut révélée au mois de Ramadan de l'an 5 de la Prophétie. (Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî, Tafhîm Al-Qur'ân, Commentaire de la Sourate 53,
Source)


 
Le verset révélé prétendument pour blâmer le Prophète fut révélé nettement plus tard.


Le premier verset indique que cette sourate fut révélée à l'occasion du Mi`râj (ascension céleste). D'après les traditions et les biographies du saint Prophète, que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui, cet événement se déroula un an avant l'Hégire. Ainsi, cette sourate fait partie des sourates révélées pendant la dernière phase de la mission prophétique à la Mecque. (Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî, Tafhîm Al-Qur'ân, Commentaire de la Sourate 17,  Source)



Et le prétendu verset abrogeant fut révélé en l'an 1 de l'Hégire soit approximativement 8 ans après l'incident….


Le changement soudain de style à partir du verset 25 indique que les versets 25 à 78 ont probablement été révélés pendant le mois de Dhul-Hijjah de la première année après l'hégire. Ceci est déduit des versets 25 à 41 et confirmé par les circonstances de révélation des versets 39-40. (Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî, Tafhîm Al-Qur'ân, Commentaire de la Sourate 22, Source



Est-t'il possible à une personne sensée de croire que le Prophète Muhammad (sallâllâhou alayhi wa salam), ait été réprimandé pour s'être laissé tenté par Satan, seulement six ans après "l'interpolation satanique", et que cette dernière n'ait été abrogée qu'après que huit années se soient écoulées ? Les Musulmans auraient-ils considéré comme authentiques et venant de Dieu les versets sataniques louant les déesses, pendant environ huit longues années ? Un tel scénario impliquerait également que les Qurayshites aient cru que les fidèles musulmans partageaient leurs croyances païennes. Le cas échéant, alors pourquoi les Qurayshites ont-ils continué à persécuter les musulmans en raison de leurs croyances, qui est du reste la raison pour laquelle l'Hégire a eu lieu ? Voici donc le passage entier que Mouhammad (Paix et Bénédictions sur lui) aurait récité :

Que vous en semble [des divinités] Lat et Uzza,  ainsi que Manat, cette troisième autre ? Ces déesses d'un rang élevé et certes leur intercession est souhaitée. Sera-ce à vous le garçon et à Lui la fille ?  Que voilà donc un partage injuste!  Ce ne sont que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres. Allah n'a fait descendre aucune preuve à leur sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de [leurs] âmes, alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur.  (Coran, 53 : 19-23)


On raconte que les Qurayshites mécréants furent satisfaits, du fait que Muhammad ait « loué » leurs déesses et qu'ils aient en conséquence déclarés, « les différents entre nous et Muhammad  sont maintenant terminées ».


N'importe quel lecteur attentif détectera un manque de crédibilité évident dans ce récit. Juste après avoir « loué » ces déesses, le texte les dénigre, niant à leur égard toute autorité ou positon vis-à-vis de Dieu, et admonestant leurs adorateurs, en substance, par ce langage: « Ô gens idiots ! Comment se fait- il que vous attribuez des filles à Allah et des fils à vous-mêmes ? Tout ceci résulte de votre propre imagination qui n'a aucune valeur vis à vis d'Allah ». Lorsqu'on la lit dans son contexte, l'interpolation, rend le passage contradictoire et l'histoire absurde. Dans un tel cas de figure, les Qurayshites n'auraient certainement pas dit que tous leurs différents avec Mouhammad (la paix d'Allah soit sur lui) étaient devenus caduques. Plutôt, ils auraient dit : « Vous voyez, il est possédé, il ne sait pas ce qu'il dit », et le Prophète (Paix et Bénédictions sur lui) aurait perdu tout crédit également vis-à-vis de ses disciples. Est-ce également censé de dire qu'après avoir tout entendu au sujet de leurs déesses, le meilleur et le pire, les idolâtres se soient néanmoins prosternés à la fin de la lecture ?


Muhammad Mohar Alî écrit dans son ouvrage "The Biography of the Prophet and the Orientalists" concernant la preuve coranique infirmant cette histoire :


La preuve coranique contre cette histoire est de trois sortes : Premièrement, il y a un certain nombre d'énonciations dans le Coran qui prouvent que ni Satan, ni personne d'autre ne peuvent interférer dans le processus de révélations, ni que le Prophète n'a jamais nourri une intention quelconque de faire un compromis avec les leaders mécréants ni qu'il n'y a jamais part interpolé quoi que ce soit dans le texte de la révélation.


Deuxièmement, le passage cité comme ayant été révélé à la suite de l'incident et pour rassurer le Prophète prouve le contraire, montrant qu'il n'avait pas fait la plus insignifiante inclinaison vers un compromis avec les leaders mécréants.


Troisièmement, la preuve interne de la Sourate An-Najm (no.55) en liaison avec la révélation avec laquelle l'histoire aurait été interpolée contredit son esprit et sa signification.


(….)


L'histoire est clairement contraire aux déclarations du Coran et aussi à la teneur et au contenu du texte entier. En tant que telle, l'histoire est totalement indigne et ne mérite aucun crédit. Ce n'est pas seulement vrai du point de vue musulman mais également du point de vue d'un vrai historien. Car pour n'importe quel historien impartial, le Coran doit être considéré comme la première et la plus contemporaine source d'information sur la vie et les enseignements du Prophète. Par conséquent toute information ou déclaration d'une autre source, y compris les récits (tradition) qui contredit la source primaire doit être rejetée.


Secondement, concernant les deux passages, 17 :73-74 et 22 :52, ils sont censé d'après les personnes ayant foi en cette histoire avoir été révélés en conséquence de l'incident en guise d'admonestation ou de consolation pour le Prophète, toutefois une analyse succincte démonterait immédiatement que leurs textes, loin de renforcer l'histoire, la contredise en fait. Le premier passage montre que c'était les mécréants qui essayèrent d'amener le Prophète à conclure un compromis avec eux, et non pas qu'il ait jamais souhaité cela. De plus, le passage montre que Dieu a fait en sorte que le cœur du Prophète soit protégé contre ces tentatives des mécréants et que sans cela, le Prophète se serait probablement incliné au moins un petit peu vers la proposition des mécréants. L'accent est mis ici non pas sur l'inclinaison supposée du Prophète envers un compromis mais sur l'intensité des tentatives des mécréants d'un coté, et de l'autre, sur la faveur spéciale de Dieu sur lui en le rendant immunisé contre de tels efforts. C'est, de plus, souligné par la déclaration claire selon laquelle grâce à cette faveur spéciale, il ne s'est pas incliné envers les mécréants même pas un tout petit peu. Le passage se termine en signalant que si Muhammad avait dévié, ne serait ce qu'un tout petit peu, Dieu lui aurait infligé une double punition pour une telle offense, dans la vie de ce monde et en dans l'au-delà. Ce passage contredit ainsi l'histoire sur plusieurs aspects. (a) Le passage dit que ce fut les mécréants qui tentèrent d'amener le Prophète à faire un compromis avec eux. L'histoire dit que c'est le Prophète, du fait de l'opposition des mécréants, qui était à la recherche d'un compromis (b) Le passage dit que Dieu a rendu le Prophète immunisé contre les tentatives des mécréants de telle façon qu'il ne pouvait pas fléchir ne serait qu'un tout petit peu. L'histoire voudrait nous faire croire que le Prophète ne s'est pas seulement penché vers eux mais est allé jusqu'à faire un compromis avec eux, sacrifiant et violant le très fondamental enseignement du Coran tout entier. (c) Le passage dit que si le Prophète avait été coupable de l'affront de s'être incliné envers ces propositions, il aurait été doublement châtié par Dieu. L'histoire nous dit qu'en dépit du fait que le Prophète a commis l'affront de s'être incliné envers les mécréants et  en plus a fait un compromis avec eux, Dieu l'a néanmoins traité avec douceur, abrogeant silencieusement l'interpolation injustifiée dans le texte de la révélation, et l'a consolé avec affection à cause de son prétendu repentir, conséquence de son erreur. Ceci est également en conflit, comme il a été signalé ci-dessus avec les autres déclarations dans le Coran selon lesquelles Dieu aurait inévitablement et irrésistiblement punis le Prophète si il avait ajouté de son propre entendement ou si il avait enlevé quoi que ce soit au texte coranique.


La dernière déclaration du passage 17 :73-74 contredit également l'interprétation donnée par les défenseurs de l'histoire de l'autre passage, 22 :52, qu'ils citent en support de l'histoire. Ils déduisent cela en interprétant l'expression Tamannâ dans le passage  comme "il lit ou il récite" et ensuite en disant que jamais un prophète avant Muhammad n'avait récité les révélations de Dieu sans que Satan ne s'évertue à semer ses propres idées ou paroles dedans. L'interprétation est si absurde et si infecte vis-à-vis du concept de la révélation divine qu'elle n'aurait jamais du être suggérée.  L'erreur et l'absurdité du fait de donner ce sens à ce terme ici vont être mis en évidence. Il peut aussi être signalé que les tenants de cette interprétation ne se sont pas rendus compte qu'ils contredisent de façon flagrante la déclaration du passage 17 :73-74 comme les autres endroits du Coran où Dieu, de façon claire et intransigeante, menace d'une sévère punition  pour les offenses que sont le fait de se mêler avec Sa révélation même au plus bas degré. Assez étrange, ces défenseurs de l'histoire n'ont pas seulement omis cette contradiction. Ils n'ont, en supplément de leurs vifs désirs de montrer la spéciale affection pour le Prophète Muhammad même après son inclinaison alléguée, pas hésité à attribuer ce blâme d'inclinaisons similaires à tous les précédents Messagers et Prophètes !

(...)


Le meilleur guide dans le sens de l'expression Tamannâ en 22 :52 est le sens naturel de la même expression ou des paroles dérivées de la même racine utilisée ailleurs dans le Coran. Il y a au moins 14 autres endroits où elles sont utilisées dans le Coran. Commençant avec l'expression utilisée dans la Sourate An-Najm elle-même, les autres exemples de l'utilisation de ce terme dans le Coran sont ce qui ce suit :



(1) Ou bien l'homme aura-t'-il tout ce qu'il désire ? (53 :24)



(2) Certes, je ne manquerai pas de les égarer, je leur donnerai de faux espoirs, je leur commanderai, et ils fendront les oreilles aux bestiaux; je leur commanderai, et ils altéreront la création de Dieu. Et quiconque prend le Diable pour allié au lieu de Dieu, sera, certes, voué à une perte évidente. (4 :119)



(3) Il leur fait des promesses et leur donne de faux espoirs. Et le Diable ne leur fait que des promesses trompeuses. (4 :120)



(4) Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des gens du Livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne trouvera en sa faveur, hors de Dieu, ni allié ni secoureur. (Coran, 4 :123)


(5) Et ceux qui, la veille, souhaitaient d'être à sa place, se mirent à dire : "Ah ! Il est vrai que Dieu augmente la part de qui Il veut, parmi Ses serviteurs, ou la restreint. Si Dieu ne nous avait pas favorisés, Il nous aurait certainement fait engloutir. Ah ! Il est vrai que ceux qui ne croient pas ne réussissent pas". (28 :82)


(6) Bien sûr, vous souhaitiez la mort avant de la rencontrer. Or vous l'avez vue, certes, tandis que vous regardiez ! (3 :143)



(7) Ne convoitez pas ce que Dieu a attribué aux uns d'entre vous plus qu'aux autres; aux hommes la part qu'ils ont acquise, et aux femmes la part qu'elles ont acquise. Demandez à Dieu de Sa grâce. Car Dieu, certes, est Omniscient (Coran, 4 :32)


(8) Dis : "Si l'Ultime demeure auprès de Dieu est pour vous seuls, à l'exclusion des autres gens, souhaitez donc la mort [immédiate] si vous êtes véridiques !" (2 :94)



(9) Dis : "Ô vous qui pratiquez le judaïsme ! Si vous prétendez être les bien aimés de Dieu à l'exclusion des autres, souhaitez donc la mort, si vous êtes véridiques". (Coran, 62 :6)


(10) Or, ils ne la souhaiteront jamais, à cause de ce que leurs mains ont préparé. Dieu cependant connaît bien les injustes. (62 :7)



(11) Or, ils ne le souhaiteront jamais, sachant tout le mal qu'ils ont perpétré de leurs mains. Et Dieu connaît bien les injustes. (2 :95)



(12) Et ils ont dit : "Nul n'entrera au Paradis que Juifs ou Chrétiens". Voilà leurs chimères. - Dis : "Donnez votre preuve, si vous êtes véridiques". (2 :111)



(13) "N'étions-nous pas avec vous ?" leur crieront-ils. "Oui, répondront [les autres] mais vous vous êtes laissés tenter, vous avez comploté (contre les croyants) et vous avez douté et de vains espoirs vous ont trompés, jusqu'à ce que vînt l'ordre de Dieu. Et le séducteur [Le diable] : vous a trompés au sujet de Dieu. (57 :14)



(14) Et il y a parmi eux des illettrés qui ne savent rien du Livre hormis des prétentions et ils ne font que des conjectures.




Dans tous ces exemples, les expressions Tamannâ, 'Umniyyah, ect… sont utilisées dans le sens de souhait, désir, lubie, envie, intention, ect… dans aucun de ses endroits le sens de lecture ou de récitation ne s'accorde avec le texte. Certains commentateurs bien sur pensent que dans le dernier exemple mentionné (n°14) le mot 'amâniyya peut signifier lecture ou récitation ; mais cette assertion n'est pas soutenue par le 'ayah lui-même ; car il s'achève ainsi: et ils ne font que des conjectures qui suit immédiatement l'expression, l'explique de façon approfondie. À la lumière de ces exemples univoques relatifs à cette expression un peu partout dans le Coran, il serait erroné de comprendre comme lecture ou récitation le  terme Tamannâ, en 22 :52.


Ceci n'est pas pour dire que le même mot ne peut être utilisé en différents sens à différentes places. Ce qui est particulier dans le présent exemple est que l'expression induit la même signification en tous les autres endroits où elle est utilisée dans le Coran. Et c'est avec le même sens qu'elle est utilisée en 22 :52, sa signification naturelle. Donner le sens de lecture ou récitation à cette expression ici, comme cela  a déjà été indiqué,  constitue un grand affront à la fois à l'histoire et à la théologie ; car cela signifierait qu'il n'y eut aucun Prophète ou Messager précédent qui n'ait pas été trompé par Satan en disant  au nom de Dieu des choses qu'Il n'avait en fait pas dites. En aucun cas, l'histoire des prophètes précédents ne supporte une telle assertion généralisée, pas plus qu'il n'est concevable que les révélations de Dieu descendent en étant vulnérables et sans être protégées, à tel point que Satan avait une chance de tromper chaque Prophète en interférant dedans
[le processus de révélation]. Cette interprétation serait en contradiction avec le concept de révélation (wahi) tel qu'il est évoqué dans le Coran qui indique de façon univoque qu'Allâh protège Sa révélation du fait d'être corrompue, directement ou indirectement, quand elle descend. Il n'est pas non plus nécessaire, ni justifiable de ternir le passé des Prophètes et de remettre en cause la nature de la révélation d'Allâh simplement pour justifier une histoire manifestement fausse et une erreur supposée du Prophète Muhammad . La simple signification du 'ayâh que nous examinons est quelque chose qui est, historiquement, de notoriété mondiale. Il est notoire qu'en tout temps et en tout lieu, chaque fois qu'un homme envoyé par Dieu, sous Son ordre, œuvre à apporter ce qui est bon aux gens et entreprend de propager Son message, Satan et ses compagnons interviennent et tentent d'obstruer, de détourner, de faire échouer le plan : mais la vérité et le plan de Dieu prévalent toujours. Ce fait historique et théologique, de notoriété mondiale, est seulement souligné dans ledit 'Ayâh.



Que ce soit le seul et naturel sens du 'Ayâh est également clair à la lumière du contexte. Le passage entier des 'Ayâh 49 à 52 de la Sourate se lit en ce qui suit : Dis (Ô Prophète) : "Ô hommes ! Je ne suis pour vous, en vérité, qu'un avertisseur explicite". Ceux donc qui croient et font de bonnes oeuvres auront pardon et faveurs généreuses, tandis que ceux qui s'efforcent à échapper (au châtiment mentionné dans) Nos versets, ceux-là sont les gens de l'Enfer. Nous n'avons jamais envoyé, avant toi, de Messager ou de prophète sans qu'à chaque fois qu'il entendait (propager le message), Satan n'ait lancé (ses efforts) en son intention (du Prophète ou du Messager). Mais Allâh anéantit les efforts de Satan et fait que Ses signes prévaillent. Le passage entier ici concerne le rôle du Prophète en tant qu'avertisseur, le rôle du diable en tant qu'opposant à la vérité et le succès final de la vérité. C'est particulièrement clair au verset 51, qui précède l'énonciation en discussion, et immédiatement déclare l'inévitable faillite et perdition  des forces du mal ; alors que la partie concluante du verset 52 insiste sur le fait qu'Allâh est Omniscient et Sage, c'est-à-dire, Il l'est à l'égard des plans et efforts de Satan et aussi de ses suiveurs. Ceci ainsi contredirait clairement l'esprit théologique et le contexte entier du passage, le fait de suggérer qu'en dépit du fait qu'Allâh est Omniscient et Sage, Satan a pourtant réussi à interférer dans Ses révélations à Ses prophètes ou messagers ! Interpréter Tamannâ dans ce passage comme lecture ou récitation constitue une hypothèse absurde. 


Ceux qui donnent le sens de lecture ou récitation à l'expression Tamannâ abordent en fait le 'ayâh 22 :52 avec un préjugé ou un a priori. Certains admettent que l'histoire des "versets sataniques" est un fait sans examiner sa valeur et alors, en se basant sur cette hypothèse, cherchent à l'appuyer en donnant le sens de lecture ou de récitation à l'expression Tamannâ en 22 :52, et finalement, ils citent ce même verset comme preuve de la véracité de cette histoire (…). D'un autre coté, il y a en d'autres qui fixent en priorité leur attention sur le concept du naskh (abrogation ou annulation) et abordent le verset dans cette perspective. Ils prennent cette histoire des "versets sataniques", non pas pour examiner sa valeur mais pour illustrer le concept du nashk ; et pour commenter l'origine du verset 22 :52, ils donnent le sens de lecture ou récitation à Tamannâ, ne se souciant pas des implications et des conséquences de ce genre d'interprétations forcées de l'expression. La technicité du concept de naskh mérite d'être discutée  ; mais il devrait suffire de signaler qu'il n'est pas nécessaire du tout d'avoir recours à l'histoire des "versets sataniques" ni de tordre le sens de Tamannâ dans le but d'expliquer ou d'illustrer le concept de naskh.


C'est le dernier point mais pas le moindre, ceux qui relient les deux passages coraniques 17 :73-75 et 22 :52 à l'histoire, ignorent la chronologie des événements, particulièrement les dates de révélations des deux passages. Il est un fait établi que la migration en Abyssinie a eu lieue au mois de Rajab de la cinquième année de la mission et le retour temporaire des émigrés a eu lieu au mois de Shawwâl de la même année. Si l'histoire est reliée avec cet événement tardif, alors l'incident rapporté dans l'histoire doit avoir eu lieu avant le mois de Shawwâl, c'est-à-dire, durant le Ramadân de cette année. Or, les Sourate al-'Isrâ et Sourate al-Hajj dans lesquels respectivement les deux passages se trouvent, furent révélées bien après, la première à l'occasion de l'Isrâ' et du mi'râj qui, selon les rapports les plus authentiques ont eu lieu la 11ème ou 12ème année de la mission ; et la Sourate al-Hajj, comme sa preuve interne le démontre, fut révélée à Médine, plus probablement durant la première année de la Hijrah. Ceci signifierait que la désapprobation divine de l'acte présumé du Prophète eut lieue environ cinq ans après l'acte ; alors que l'abrogation de l'interpolation présumée et cette sorte de "consolation" pour lui furent communiquées encore deux années après. Personne de sensé ne pourra accepter une explication si absurde. Alternativement, si il est accepté que les passages en question furent chacun révélés séparément du reste des deux Sourates et peu de temps après l'incident, alors il y demeure également d'autres questions auxquels il faut apporter une réponse. (a) Pourquoi n'ont-ils pas été incorporés dans la Sourate An-Najm ou aucune autre Sourate ou Sourates qui furent révélées peu de temps après et antérieurs à la Sourate  al-Isrâ et la Sourate al-hajj ? (b) Comment furent t'ils conservés séparément durant un laps de temps si long sans être incorporés dans aucune autre Sourate ou Sourates et (c) quelles furent les raisons et causes pour leur incorporations dans la Sourate al-'Isrâ' et la Sourate al-Hajj ? Le fait est que les conteurs de l'histoire ont de manière forcée et anormale essayés d'adapter ces passages à l'histoire et que la véritable signification et teneur de ces passages ne confirment pas l'histoire.


Troisièmement, la preuve interne de la Sourate an-Najm, en liaison avec la révélation avec laquelle l'incident est dit être mêlé, dément l'histoire. Il est manifeste que la Sourate commence en soulignant le fait que le Prophète ne peut pas fauter ou se tromper et ensuite énonce de façon catégorique dans ses 'âyah 3-4 : "Et il ne prononce rien sous l'effet de la passion; ce n'est rien d'autre qu'une révélation (wahi) inspirée." À partir de là, il est tout bonnement impensable qu'après l'affirmation au commencement même de ladite Sourate, selon laquelle le Prophète ne s'est pas égaré, ne s'est pas trompé, ne prononce rien sous l'effet de la passion mais via une révélation inspirée, il aurait immédiatement après cela et dans le processus de réception de la même révélation dédaigné cette déclaration univoque, en introduisant dedans quelque chose d'étranger et de contradictoire ! Rien ne pourrait être plus évident pour mettre en évidence l'incohérence de cette histoire que ces énonciations claires du début de la Sourate. Encore, certaines versions de l'histoire disent que les prétendus "versets sataniques" furent insérés après le 20ème 'âyah de la Sourate et que subséquemment ils furent simplement abandonnés. D'autres versions suggèrent, quoi qu'elles ne soient pas claires, que les "versets sataniques" furent substitués par les actuels 'âyas 21-23. Toutes les versions s'accordent en affirmant que le Prophète récita la Sourate entière à l'occasion et se prosterna lui-même à la fin de sa récitation. En effet, le dernier 'âyah de la Sourate commande de se prosterner. Maintenant, nous pouvons considérez la Sourate de deux façons, c'est-à-dire, en introduisant simplement les prétendus "versets sataniques"  après le 20ème 'âyah mais en gardant les 'âyas existants en 21-23 à leurs place ; ou bien remplacer ces derniers par les "versets sataniques". Dans chaque cas, il restera des incongruités et des difficultés montrant l'absurdité de l'histoire. Ainsi, si nous insérons simplement les "versets sataniques" sans retrancher les 'âyas 21-23, le passage énoncera une absurde et inconsistante déclaration et se lira en ce qui suit : Que vous en semble [des divinités] Lat et Uzza, ainsi que Manat, cette troisième autre ? Ces déesses d'un rang élevé et certes leur intercession est souhaitée Sera-ce à vous le garçon et à Lui la fille ? Que voilà donc un partage injuste !  Ce ne sont que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres. Dieu n'a fait descendre aucune preuve à leur sujet…." Le passage dans cette forme contiendrait aussi bien un éloge et de fortes dénonciations des déesses en même temps et son inconsistance et absurdité serait alors flagrante.

D'un autre coté, si les "versets sataniques" sont laissés tels quels et les 'âyas 21-23 sont supprimés, alors il y restera également une étrange dénonciation des déesses et du principe d'intercession dans les deux 'âyas précédant et suivant les "versets sataniques". Pour commencer avec le 'âyah 20, "ainsi que Manat cette troisième autre" est clairement une expression péjorative car l'adjectif, al-'ukhrâ (l'autre) est régulièrement utilisé avec mépris et par dérision. Il serait alors tout simplement incongru d'affirmer après cette description humiliante de cette déesse, qu'elle est d'un rang élevé et une déité pouvant intercéder. Mais laissons de coté ces 'âyas, si nous poursuivons avec le 24ème verset, nous trouvons un  certain nombre d'autres déclarations intransigeantes  sur la notion d'intercession telle qu'est elle était perçue par les mécréants. Ainsi, premièrement, le même 24ème 'âyah nie l'efficacité de l'intercession d'une forme interrogative : "Ou bien l'homme aura-t-il tout ce qu'il désire ? ", c'est-à-dire c'est un souhait vain que de nourrir l'espoir que l'intercession nous sera profitable. Le 'âyah est seulement une emphase sur ce qui a été affirmé dans les 'âyas précédents concernant la caducité d'un quelconque pouvoir des déesses. Similairement, le 'âyah n°25 est une suite et un rappel que "à Allâh appartiennent la vie future et la vie d'ici-bas", c'est-à-dire, l'homme doit s'en remettre à Lui seul dans toutes affaires et ne doit chercher aucune sorte d'aide ou d'assistance chez une autre déité ou entité. Le même thème revient et est élucidé au 'âyah 26, qui infirme, d'un coté, la notion erronée en laquelle les mécréants avaient foi, que les anges étaient les filles d'Allâh et que les déesses mentionnées ci-dessus étaient une certaine forme de représentations de ces anges. D'un autre coté, il souligne sur le fait que même ces anges n'ont pas de pouvoir d'intercession exepté via la permission d'Allâh. De nouveau, loin de livrer une attitude de compromis, l'attitude des leaders mécréants est dénoncée dans le 'ayâh 29 et le Messager d'Allâh est clairement commandé de les fuir et les éviter : "Ecarte-toi donc, de celui qui tourne le dos à Notre rappel et qui ne désire que la vie présente". Le thème continu dans les 'âyas suivants et le 'âyah 31 insiste encore sur le principe de la responsabilité individuelle. Finalement, dans les 'âyas 33-40, une forte allusion est faite, à la conduite de l'un des leaders mécréants, et beaucoup de commentateurs pensent qu'il s'agit de Al-Walîd ibn al-Mughîrah, disant : "Vois-tu celui qui s'est détourné, donné peu et a [finalement] cessé de donner ? ect… et  s'achève une fois encore avec la condamnation de la notion d'intercession et soulignant le principe de la responsabilité individuelle en ces termes : qu'aucune [âme] ne portera le fardeau (le péché) d'autrui, et qu'en vérité, l'homme n'obtient que [le fruit] : de ses efforts; et que son effort, en vérité, lui sera présenté" ect…


Ainsi le texte entier des 'âyas 19 à 42 jusqu'à la fin de la Sourate a une unité et une continuité en matière de thème et de conséquence. Il n'y a pas de concession sur la question de la futilité de l'intercession de n'importe qui ; pas de détente sur le principe de la responsabilité personnelle et individuelle ; pas d'adoucissement dans la dénonciation de la conduite des leaders des mécréants ;pas d'adoucissement concernant leurs idiosyncrasies et attitudes. L'interpolation des "versets sataniques" immédiatement après le 'âyah 20 et l'élimination des 'âyas 21-23 à leur place, ne fera que changer l'ordre et le rendre incongru, ça ne détruira pas la force du thème principal. Aucune personne sensée après une  lecture attentive de la Sourate entière ne peut accepter qu'un seul des leaders mécréants de Quraysh, qui n'étaient après tout pas idiots, ait pu, après avoir écouté la fin de la Sourate, avoir l'impression que le Prophète s'était aligné sur leurs idéaux et que par conséquent il ne restait plus de motif de désaccord entre lui et eux. Quelles qu'elles aient été les sources et le but de l'histoire, la preuve interne de la Sourate met en évidence que l'histoire a été fabriquée à partir d'elle.





Le retour des émigrés




L'orientaliste William Muir lui est convaincu de la véracité de cette histoire. Il pense que cette histoire explique le retour rapide des émigrants réfugiés en Abyssinie, où le Négus les toléraient, à La Mecque. Comment, raisonnes Muir, pourrait-il y avoir de réconciliation entre Muhammad et Quraysh sans des concessions de la part de Muhammad? À La Mecque, les musulmans étaient beaucoup moins nombreux et plus faibles que les Qurayshites, incapables de se protéger contre les persécutions. Pourquoi, alors, les Qurayshites ont-il accepté cette réconciliation?  Tel est l'argument de Muir.



Pourtant si les émigrants sont revenus à La Mecque ce n'est pas pour cette raison. La première de ces raisons est la conversion d'un ancien persécuteur des musulmans, Oumar Ibn Al-Khâttab, radhia allâhou anhou. Cet homme était fort à la fois fort, physiquement (très grand de taille) et de caractère. Il n'avait nullement caché sa conversion mais au contraire la proclama publiquement et alla l'annoncer à Abû Jahl devant le pas de la porte de ce dernier. N'approuvant pas que les musulmans doivent se cacher pour prier, il avait l'habitude d'effectuer ses Salat ou de lire des feuillets du Coran à haute voix devant la Kaaba en compagnie d'une quarantaines de notables convertis, en s'armant si leur sécurité l'exigeait. Nulle doute que sa conversion redonna du courage aux musulmans, on rapporte qu'Ibn Mas'ud avait dit "Nous avons retrouvé notre fierté depuis la conversion d'Oumar."  Les Qurayshites furent contraints de faire profil bas pendant quelque temps. Cette nouvelle parvint aux oreilles des émigrés qui pensèrent à tort que la situation serait dorénavant détendue alors qu'il ne s'agissait que d'une cessation provisoire des hostilités.


La seconde raison est liée à la première : au même moment éclatait en Abyssinie, une révolte interne dirigée contre le Négus. Les musulmans souhaitaient sa victoire et priait pour cela mais en tant qu'étrangers fraîchement arrivés, ils ne pouvaient rien faire et retournèrent donc à La Mecque. À peine arrivèrent-ils, les Qurayshites avaient mis au point leur complot et leur dessein de mettre le clan des Banû Hashim (clan du Prophète et de son oncle et protecteur, Abû Talîb) au banc de la cité (c'est l'embargo qui dura trois années).


À cela, il faut ajouter la troisième raison : la dureté des conditions de vie du point de vue matériel, vécue par les musulmans en Abyssinie comme cela fut exprimé avec force par Asmâ' bint 'Umays lors d'une discussion avec Oumar Ibn Al-Khâttab chez Hafsa, la fille de ce dernier. (
Sahîh Al-Bukhârî, Volume 5. Livre 059. Numéro 539)



Quand au fait que les païens se soient prosternés, ceci est tenu par certains pour preuves de la véracité de cette histoire. Mais à bien y réfléchir, l'acte de ces païens n'a rien de très étonnant. Il n'y avait nullement besoin d'un compromis entre le Prophète et les Qurayshites pour que ceux-ci se prosternent avec lui. En effet, tout en étant polythéistes, ils croyaient en Dieu le Créateur à qui ils associaient malheureusement pour eux d'autres divinités tel Lat, Uzza, Manat, Hubal ect… une certaine crainte de Dieu a pu être ressentie chez eux à plusieurs reprises comme lorsqu'ils fallut reconstruire la Kaaba (ils n'investirent que de l'argent propre pour financer les travaux). Pareillement Ibn Abbâs relate que les Mecquois polythéistes avaient l'habitude de demander pardon à Dieu pendant qu'ils faisaient la circumambulation de la Kaaba (Lubâb un-nuqûl 'an Abî Hâtim) sans bien sur sortir définitivement de leur polythéisme. Ils avaient donc une certaine conscience et une certaine crainte de Dieu….

 

Enfin, le beau style du Coran est admiré même par certains non-musulmans comme les chrétiens arabes. L'Orientaliste Alfred Guillaume écrit à cet égard:

 

Le Coran est un des classiques du monde, qui ne peut être traduit sans perte grave. Il a un rythme de beauté singulière et d'une cadence qui charme l'oreille. Beaucoup d'Arabes chrétiens parlent de son style avec une chaleureuse admiration, et la plupart des arabisants reconnaissent son excellence. [Alfred Guillaume, Islam, 1990 (Reprinted), Penguin Books, pp. 73-74.].

 

Ces deux facteurs suffisent à expliquer pourquoi les Qurayshites se sont prosternés. Pour plus de précisions voir ci-dessus. L'exposé continue ici:



http://islampaix.blog4ever.com/blog/lirarticle-145578-642895.html





 




12/02/2008
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