Paul considéré positivement en Islam ? Réponse à un polémiste obstiné (1)




Certains musulmans émettent des considérations assez critiques sur le personnage de Paul de Tarse, soulevant la question de sa légitimité et sa véridicité (ce n'est pas notre présent propos, du moins pas au regard de la Bible ou de l'histoire). Face à ces critique, certains de nos chers contradicteurs chrétiens ont voulu frapper fort : montrer aux musulmans qui s'évertuent à discréditer Paul qu'ils se trompent, que les textes de la religion musulmane enseignent que ce dernier était un légitime disciple de Jésus-Christ voire un prophète (ou pis encore un messager), et que conséquemment, ils contredisent les enseignements de leur propre religion en dénigrant ledit Paul. Facealislam est justement l'auteur d'un article dissertant sur la façon dont l'Islam considère Paul. J'avais anciennement dans un article, mis en exergue le fait que les textes de l'Islam ne témoignent pas de la véridicité de Paul de Tarse, mais qu'au contraire un faisceau d'arguments  laisse entrevoir qu'il est plutôt un mécréant et un imposteur selon l'Islam. Facealislam s'est essayé à une réfutation de cet article. Sa réponse, essentiellement basée sur la réflexion du missionnaire chrétien, Sam Shamoun (du site http://www.answering-islam.com) peut être lue ici. Passons dés lors à l'examen des objections qu'il soulève.

 

 
1. Ibn Ishâq :



J'avais dit au sujet de la Sirâ d'Ibn Ishâq qu'il s'agit de l'œuvre d'un historien, sujet à l'erreur (d'autant plus que nous savons que Ibn Ishâq manquait parfois de rigueur dans sa transmission des récits de la Sirâ, mentionnant des chaînes du type : "Certains gens de science m'ont rapporté que Untel rapporte qu'il a entendu tel Compagnon dire : Lorsque le Prophète eut terminé…", sans préciser qui sont ces "gens de science"). Tout ce que Shamoun/Facealislam ont trouvé à y redire est  :

 

On ne cessera jamais d'être stupéfier de la manière dont certains Musulmans diffament leurs propres sources afin d'éviter l'inévitable. Ibn Ishaq est la biographie la plus ancienne de la vie de Mohammed, antidatant même la collection de hadith du Sahih Al-Bukhari.

 

En reformulant quelque peu les propos du missionnaire, je dirai plutôt : Je ne cesserai jamais d'être atterré devant l'incapacité de certains missionnaires chrétiens à comprendre la chose suivante : Remettre en cause un point précis dans un ouvrage ne signifie tout simplement pas le récuser en bloc.

 

Qu'ai-je dit dans l'article original ?

 

(...) Pour étayer sa théorie, le missionnaire cite des travaux d'historiens de confession musulmane, certes faisant largement autorité au sein du cercle des érudits musulmans, mais qui sont, bien entendu, tous plus ou moins sujets à l'erreur, tel que les chroniques d'At-Tabarî ou les rapports en matière de Sirâ d'Ibn Ishâq. Le problème, c'est qu'il s'agit, répétons le, de recherches effectuées par des historiens, n'étant pas infaillibles. En effet, il ne viendrait à l'esprit d'aucun musulman censé, de dire que les ouvrages de Sirâ ou les chroniques de tel ou tel auteur ont été miraculeusement inspirés par le Saint-Esprit. (...)

 
http://islampaix.blog4ever.com/blog/lirarticle-145578-575959.html

 

Le fait est que les savants musulmans ont toujours reconnu qu'il existait des erreurs de relation au sein des textes de la Sirâ et des recueils de Hadîth et se sont employés à séparer le vrai du faux. Cela n'a rien d'étonnant, ni de nouveau. C'est un cas de figure, certes différent et sans doute moins pittoresque, je le concède, que celui des Judéo/chrétiens, découvrant au fil du temps le caractère douteux de leurs écritures. Maurice Bucaille écrit à cet égard :

 

Le R. P. de Vaux rappelle que "la tradition juive, à laquelle se conformèrent le Christ et les Apôtres" fut acceptée jusqu'à la fin du Moyen Age, Aben Esra ayant été au XIIe siècle le seul contestataire de cette thèse. C'est au XVIe siècle que Caristadt fait remarquer que Moïse n'a pas pu écrire le récit de sa propre mort dans Deutéronome (34, 5-12). L'auteur cite ensuite d'autres critiques qui refusent à Moïse au moins une partie du Pentateuque, et surtout l'ouvrage de Richard Simon, de l'Oratoire, Histoire critique du Vieux Testament (1678). qui souligne les difficultés chronologiques, les répétitions, les désordres des récits et des différences de style dans le Pentateuque. (Maurice Bucaille, La Bible, le Coran et la Science, Paris, Seghers, p.47-48)

 

Il y a une erreur de jugement double et manifeste dans l'assertion du missionnaire, à propos du fait que l'ouvrage d'Ibn Ishâq est la "plus ancienne biographie de Mohammed". Tout d'abord, l'identification de Paul en tant qu'Apôtre de Jésus, information puisée dans les sources chrétiennes par Ibn Ishâq, est une chose différente des récits qu'il rapporte de la vie de Muhammad, saws. Le fait qu'Ibn Ishâq mentionne un élément erroné relatif à Paul ne remet pas en cause l'authenticité des récits relatant la vie de Muhammad. Aussi la comparaison avec le recueil de Bukhârî relève du hors-sujet total :

 

antidatant même la collection de hadith du Sahih Al-Bukhari

 

Qui a dit que le Sahîh d'al-Bukhârî était une biographie ? Quel est le rapport avec la Sirâ ? En tout état de cause, pour l'information, il y a des recueils de hâdiths antérieurs à l'ouvrage d'Ibn Ishâq (As-Sahifa de Hamman Ibn Munabdih, al-Musannaf de 'Abd al-Razzaq…).

 

Par la suite, le missionnaire affirme que les citations l'ouvrage d'Alfred Guillaume ont été énoncées hors-contexte. Une démonstration qui sur le fond ne change absolument rien.

 

Moussa Youssouf  essaye "d'empoisonner le puits" et ose citer Guillaume incorrectement afin de convaincre ses lecteurs que le rapport d'Ibn Ishaq n'a aucune valeur sur la position musulmane au sujet de Paul. En effet, Moussa Youssouf, cite Guillaume comme réclamant qu'Ibn Ishaq a parfois inséré ses commentaires et a donné son propre avis. Ceci donne l'impression fallacieuse que Guillaume appliquait ce commentaire au travail d'Ibn Ishaq dans son ensemble. Pourtant voici le contexte dont Moussa Youssouf a arraché cette citation :

 

Je dois préciser ici qu'il ne s'agit nullement d'une duperie de ma part car je n'ai fait que traduire cette partie de l'article de Mohd Elfie Nieshaem Juferi ce qui est évident à partir du moment où j'ai indiqué le lien dudit article à la fin de la 2nde partie de l'article, chose que le missionnaire pour une raison inconnue n'a pas souhaité signaler. Par conséquent, s'il s'avère que les propos de Guillaume furent cités hors contexte, la responsabilité ne retombe pas sur moi, étant donné que je n'ai pas eu vent de cela mais n'ait fait que suivre une autorité. Etant donné que le site Facealislam.free.fr est une sorte de traduction en langue française du site answering-islam.org, le missionnaire n'est pas à l'abri non plus de ce type de déconvenue lorsqu'il traduit les articles de Sam Shamoun, Jochen Katz et consorts, car ce faisant, si il s'avère que ces auteurs se trompent et/ou mentent, cela risquera d'entraîner le missionnaire dans une situation inextricable en copiant leurs dires faux et/ou mensongers.


Puis, le missionnaire fait référence aux "conseils" de Guillaume:

 

En outre, Guillaume fournit clairement des conseils pour savoir quand Ibn Ishaq cite éventuellement du faux matériel  (…) De ce fait, si Ibn Ishaq avait n'importe quels doutes concernant l'histoire des disciples de Jésus nous nous serions attendus à ce qu'il préface ses commentaires avec une des expressions précédentes énumérées par Guillaume. (…) Ceci sert à montrer qu'Ibn Ishaq n'a eu aucun doute concernant l'authenticité du rapport

 

De même que sa digression superfétatoire sur la relation entre le Coran et le Syriaque, cette démonstration reste vaine et infructueuse à partir du moment où Ibn Ishâq puise dans des sources chrétiennes, ce qui ne fait effectivement pas figure de mystère.


Ibn Taymiyya dit à ce propos :

 

Il y a (dans les exégèses) ce qui peut faire partie de ce qui a été recueillit chez les Gens du Livre tel ce qui a été transmit de la part de Ka'ab, Wahab ibn Munbahi, IBN ISHÂQ, ainsi que d'autres qui prennent chez les Gens du livre. (Ibn Taymiyya, Introduction aux fondements de l'exégèse du Coran, Editions Sabil, traduit par M. Moussaoui, 2004, page 72).

 

Allama Shibli Nu'Mani écrit :

 

En ce qui concerne la littérature Maghazi, le célèbre livre est l'œuvre de Muhammad Ibn Ishâq, qui emprunte librement aux chrétiens et aux israélites  (Maudu'at de Mulla 'Ali Qari, Mujtaba'I Press, p.85, cité par Allama Shibli Nu'Mani, dans Sirât Un Nabi, Vol. I, p.17)

 

(….)

 

Ad-Dhahabi déclare également que Muhammad Ibn Ishâq a emprunté des récits à des Juifs et des chrétiens (Ibid)

 


En sus, signalons que le fait qu'Ibn Ishâq estime, selon ses recherches, que telle histoire est véridique ou que telle autre est fausse ou bien douteuse, n'authentifiera pas pour autant les récits de manière irrécusable, ni ne prouvera telle une vérité générale leur caractère authentique, faux ou douteux.

 

Il faudrait ici rappeler que plusieurs des premiers auteurs de biographies de Muhammad (saws) se sont essentiellement concentrés sur la compilation, craignant que les témoignages, les documents et les textes disponibles puissent être perdus, ils ont rassemblés tous les récits qu'ils ont pu trouver sans tous les authentifier, laissant le processus d'authentification aux générations suivantes comme cela est énoncé par al-Hâfidh al-Iraqî dans son Alfiyyat us-Sirat in-Nabawiyyah:

 

Que le chercheur de science sache que la Sirâ rassemble beaucoup de récit qu'ils soient  vrais ou faux. Mais l'intention est de mentionner toute ce qui est transmis dans les livres de Sîra indépendamment de l'Isnad. (c.-à-d., l'authenticité des chaînes du récit afin de vérifier la véracité des récits) (Cité par MS M Saifullâh et Muhammad Ghoniem,  Abdullah Ibn Sad Ibn Abi Sarh: Where Is the Truth?)



La réfutation continue:


http://islampaix.blog4ever.com/blog/lirarticle-145578-808100.html






30/05/2008
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