Mishnah Sanhédrin 4:5 et Coran 5:32



Certains orientalistes et missionnaires chrétiens affirment que le verset coranique 5/32 a été copié à partir du Talmud. Ils ne parviennent pas à se mettre totalement d'accord sur la tradition Juive en question mais bon… une citation qui revient fréquemment dans leur assertion est une tirée de la Misnhah Sanhédrin 4 :5.

 

"Nous voyons qu'il est dit dans le cas de Caïn qui assassina son frère : " La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi" (Gen. 4:10). Il n'est pas dit ici « sang » au singulier mais « sangs » au pluriel, c'est-à-dire, son propre sang et le sang de sa semence. L'homme a été créé seul pour lui montrer que celui qui anéantit un homme, c'est comme s'il avait anéanti le monde entier. Et celui qui sauve la vie d'un homme, c'est comme s'il avait sauvé le monde entier." Mishnah Sanhedrin, 4:5

 

Sources:



http://www.answering-islam.org/Quran/Sources/cain.html


http://facealislam.free.fr/coran-misnah-cain-abel.htm



De quel chapeau, les missionnaires chrétiens ont-ils sorti cette citation de la Mishnah Sanhédrin? Ils disposent de deux "sources" pour cela, l'œuvre d'Abraham Geiger intitulée Was hat Mohammed aus dem Judenthume aufgenommen?  destinée à montrer que le Coran est plagié de l'Ancien Testament et du Talmud, et l'autre, l'ouvrage du révérend Saint Claire Tisdall  : The original sources of the Qur'an. Deux grossiers ouvrages comme tous manieurs de plume, habiles et de mauvaises fois peuvent aisément en composer, et qui sont depuis tombés en désuétudes du fait de leur manque évident de crédibilité.

 

Mais qu'est ce que dit exactement le texte de la Mishnah Sanhédrin ?

 

Geiger écrit concernant Sanhédrin 4:5.

 

L'homme fut crée seul dans le but de montrer que celui qui tue un seul individu, il doit être considéré qu'il a tué la race humaine entière; mais celui qui préserve la vie d'un seul individu, il est considéré qu'il a préservé la race humaine entière. [A. Geiger, Judaism And Islam (English Translation Of Was hat Mohammed aus dem Judenthume aufgenommen?), 1970, op. cit., p. 81.]

 

Tisdall, de l'autre coté dit:

 

... Dans cette histoire, Adam fut crée seul pour t'enseigner que quiconque détruit une âme d'Israël, l'Ecriture le considère comme si il avait détruit le monde entier ; et quiconque qui a préservé vivant une âme d'Israël, l'Ecriture le considère comme si il avait préservé le monde entier. [Rev. W. St. Clair Tisdall, The Original Sources Of The Qur'an, 1905, op. cit., p. 65.]

 

Egalement lisible sur:


http://answering-islam.org/Books/Tisdall/Sources/chap3.htm



Ce qui est problématique c'est que dans la version de Tisdall, Sanhédrin 4 :5 lit que le péché ou la bénédiction est lié au meurtre ou sauvetage d'une âme d'Israël alors que dans la version de Sanhédrin 4 :5 de Geiger, le péché ou la Bénédiction est universalisé et n'est pas limité à Israël. Cette divergence suscite de légitimes questions quand à la teneur exacte de Sanhédrin 4 :5. La version de Sanhédrin 4 :5 de Tisdall limite le péché ou la bénédiction au meurtre ou la sauvegarde d'une âme d'Israël alors que la version coranique l'universalise avec en sus, une clause absente dans Sanhédrin 4:5, à savoir: "quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre". Ainsi, il est clair que Coran 5 :33 n'est pas du tout un texte analogue à Sanhédrin 4 :5.

 

La question est maintenant, quelle version du Sanhédrin 4:5 est correcte, celle de Geiger ou Tisdall?

 

5.1 La Traduction de la Mishnah Sanhedrin 37a dans le Talmud Babylonie

 


Le  passage en question de Sanhédrin 4 :5:


Pour vous apprendre que quiconque détruit une seule vie parmi Israël
  [Rabbi H. Goldwurm (ed.), Talmud Bavli: The Schottenstein Edition, 1993, Tractate Sanhedrin, Volume 1, Mesorah Publications, Ltd.: Brooklyn, New York, p. 37]


The Socino English translation du Talmud Babylonien indique:

 

Celui qui détruit une seule âme d'Israël, l'Écriture lui attribue [culpabilité], comme si 'il avait détruit un univers complet, et celui qui préserve une seule âme d'Israël, l'Écriture lui attribue [le mérite] comme s'il avait préservé un monde complet. [Rabbi Dr. I. Epstein (trans.), The Babylonian Talmud: Seder Nezikin - III, 1935, The Soncino Press: London, Sanhedrin 37a, pp. 233-234]

 

Similairement, nous lisons dans l'édition de Jacob Neusner :

 

J. ... quiconque détruit un seule âme Israélite est considéré par l'Ecriture comme si il avait détruit un monde entier.

 

K. Et quiconque sauve une seule âme Israélite est considéré par l'Ecriture comme si il avait sauvé le monde entier. [J. Neusner, The Talmud of Babylonia; An Academic Commentary, 1996, Volume XXIII, Scholars Press: Atlanta (GA), Bavli Tractate Sanhedrin, p. 183.]


Les traductions standard de la Mishnah.

 

J. ... quiconque détruit une seule âme Israélite est considéré par l'Ecriture comme si elle avait détruit le monde entier.

 

K. Et quiconque sauve une seule âme Israélite est considéré par l'Ecriture comme si il avait sauvé un monde entier. [J. Neusner, The Mishnah: A New Translation, 1988, Yale University Press: New Haven and London, Sanhedrin 4:5, p. 591]

 

Des traductions similaires furent avancées par Isidore Fishman:

 

… qui a détruit une vie humaine d'Israël est représenté par l'Ecriture comme s'il avait détruit tout un univers, et celui qui sauve une vie humaine d'Israël est représenté par l'Ecriture comme s'il avait préservé un univers entier. [I. Fishman, Gateway To The Mishnah, 1955, Jack Mazin Ltd.: London, Sanhedrin 4:5, p. 156.]

 

Similairement la traduction de Herbert Danby lit:

 

... si un homme quelconque fait mourir une âme d' Israël, l'Ecriture le lui impute comme si il avait fait périr tout un monde; et si un seul homme fait mourir une seule âme d' Israël le lui attribue comme si il avait préserver tout un monde. [H. Danby, The Mishnah: Translated From The Hebrew With Introduction And Brief Explanatory Notes, 1933, Oxford University Press: London, Sanhedrin 4:5, p. 388]

 

C'est véritablement la version de Tisdall qui s'avère être adequate. Clairement, il y a une différence palpable entre Coran 5/32 et sa source prétendue (Sanhédrin 4:5).

 

En outre, il n'existe pas de preuve péremptoire de l'existence d'un Talmud arabe au cours de l'avènement de l'Islam en Arabie en particulier à La Mecque. Il est également connu que la version finale du Talmud vit le jour après l'avènement de l'Islam. En fait, il se pourrait que ce soit plutôt le récit coranique qui est inspiré les textes du Talmud et autres traditions Juives, relatifs à Abel et Caïn.

 

Stillman fait remarquer à cet égard:

 

Notre chronologie de la littérature rabbinique est meilleure aujourd'hui qu'au temps des textes de Geiger, et de nombreux autres textes - musulmans, juifs et chrétiens - ont, depuis, été publiés. À la lumière de ce fait, nous savons maintenant que, dans certains cas, ce qui a été considéré comme étant une influence haggadique au sein d'un texte islamique pourrait bien être tout à fait l'inverse. Le Pirqe de Rabbi Eli'ezer, par exemple, semble avoir été intégralement rédigé après l'avènement de l'Islam. [N. A. Stillman, "The Story Of Cain & Abel In The Qur'an And The Muslim Commentators: Some Observations", Journal Of Semitic Studies, 1974, op. cit., p. 231.]



Indépendamment de tous les points susmentionnés, il faut rappeler que le Talmud est la Torah orale et qu'il peut aussi contenir des paroles authentiques de Dieu communiquées au peuple Juif dont éventuellement le passage à l'étude (Muhammad Abû Layla avait notamment fait remarquer cela dans son ouvrage, The Qu'ran and The Gospel : A comparative study, Le Caire, Fondation Al-Falah pour la traduction, 2005, en analysant le sens du concept de "Torah" au regard de l'Islam)


Bien que le terme hébreu "Torah" soit souvent rendu en Français par "Loi", son sens véritable est plus proche d'"Instruction" ou "Enseignement". Le judaïsme rabbinique enseigne que les Livres du Tanakh furent transmis en parallèle avec une tradition orale, transmise par les érudits et chefs religieux de chaque génération.

 

Donc, dans le judaïsme, l'Instruction Écrite" (Torah she-bi-khtav תורה שבכתב) comprend la Torah et le reste du Tanakh, alors que l'"Instruction Orale" (Torah she-be'al peh תורה שבעל פה), qui n'est rien d'autre que son exégèse, finit par être compilée dans le Talmud (litt. "Étude") et les Midrashim (litt. "Exégèses"). L'interprétation de la Torah orale est donc considérée comme ayant la même autorité que la Torah Écrite. De plus, la Halakha (lit. "la Voie", fréquemment rendu par la "Loi juive") est basée tant sur l'"Instruction Orale" que l'"Instruction Écrite". La loi et la tradition juive (rabbinique) ne sont donc pas basées sur la lecture littérale du Tanakh, mais sur la combinaison de traditions orales et écrites.

 

La Torah désigne donc stricto sensu la première section du Tanakh — les cinq premiers livres de la Bible hébraïque — mais le terme est également employé pour désigner tant la Loi Écrite (Torah SheBeKtav) que la Loi orale (Torah SHeBe'Al Pe), qui contient l'ensemble des enseignements juifs religieux à travers l'histoire, incluant la Mishnah, le Talmud, le Midrash, et d'autres.

 

Exode 24:12 : L`Éternel dit à Moïse: monte vers moi sur la montagne, et reste là; Je te donnerai des tables de pierre, la Torah et la Mitsva que J`ai écrites pour leur instruction

 

Selon le judaïsme rabbinique, ce verset implique l'existence de deux Lois simultanément données sur le Sinaï : la Torah, Loi écrite (Torah shebikhtav, le Tanakh) et la Mitsva, Loi orale (Torah shebeal pé). Toutes deux furent révélées à ceux qui étaient présents et transmises depuis oralement jusqu'à l'époque du Second Temple de Jérusalem.

 

À la destruction de celui-ci (70 de l'ère commune), et surtout après la mort de grands Sages de l'époque, Rabbi Akiva étant le plus célèbre, il fut décidé de codifier la Torah orale dans la Mishna, sur laquelle s'élabora la Tossefta, puis la Guemara.

 

Au Ve et au VIe siècle de l'ère commune furent rédigés les deux versions du Talmud: le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone, qui synthétisent la Mishna, la Guemara et leurs commentaires. Donc a partir de là, les versions étaient multiples ceci est quelques temps avant l'arriver de Notre prophète (pbAsl) ce qui signifie que à cette epoque la torah désigne la loi écrite et orale et que les juifs se tablent sur ces dernières pour leur foi et leur pratique. (Tiré de Wikipédia, "Torah")

 




Source: http://www.islamic-awareness.org/Quran/Sources/BBCandA.html





Moussa Youssouf





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04/07/2008
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