Authenticité de l'Apocalypse
Dans cet article, nous nous intéressons au degré d'authenticité du livre de l'Apocalypse, afin de déterminer si les dires de certains apologistes et polémistes chrétiens à son propos, sont corrects ou non. Voici par exemple ce qu'affirme Facealislam :
A propos des Livres 1 et 2 Rois, il y a deux vues, on ne connait pas l'auteur, l'auteur est Jérémie. On ne connait pas l'auteur du Livre d'Esther. L'Apocalypse a été écrit par Jean. Habakuk nous savons peu de chose sur lui, toutefois on peut situer sa naissance au 7ième siècle avant notre ère.
http://facealislam.free.fr/reponse_Simozrag1.html#1-_Q
Ainsi, selon Facealislam, le livre de l'Apocalypse a été écrit par l'apôtre Jean, fils de Zébédée, c'est aussi simple que cela. En fait, les choses sont beaucoup moins simples que Facealislam essaye de faire croire à ses lecteurs, de l'aveu même des savants Chrétiens sur cet ouvrage :
1. L'origine apostolique de l'Apocalypse a été mise en doute dès les premiers siècles. Elle n'est point attestée par l'unanimité des écrivains de l'ancienne Eglise. Hermas, vivant à Rome vers 140, et dont Le Pasteur, s'ouvre par des visions, ne paraît pas avoir connu notre Apocalypse. Rien dans l'épître aux Philippiens de Polycarpe ne prouve qu'il ait connu ce livre. [...] L'opposition qui se manifeste contre l'Apocalypse, en divers lieux, est surtout fondée sur des motifs dogmatiques. C'est pour des raisons de cet ordre qu'elle est repoussée par l'hérétique Marcion et par les Aloges, qui attribuaient à Cérinthe tous les écrits de Jean. Caïus, écrivain romain (vers 211), dans sa polémique contre le montaniste Proclus, prétend aussi que l'Apocalypse a été publiée par Cérinthe sous le nom de Jean. Mais celui dont la critique, plus modérée et en même temps plus pénétrante, contribua le plus à ébranler l'autorité de l'Apocalypse, fut Denys d'Alexandrie, disciple d'Origène (vers 250). Il ne peut admettre que l'Apocalypse soit de Cérinthe, mais il suppose qu'elle a été composée par cet autre Jean, dont le tombeau se voyait à Ephèse à côté de celui de l'apôtre. Il établit sa thèse en montrant avec beaucoup de force les différences essentielles qu'il y a entre l'Apocalypse et l'Evangile et qui ne permettent pas, selon lui, d'attribuer les deux ouvrages au même auteur. Sous l'influence des objections de Denys, l'Eglise d'Orient hésita jusqu'au cinquième siècle à reconnaître l'autorité apostolique de l'Apocalypse. On peut se demander si l'opposition que l'Eglise de Syrie fit longtemps à ce livre est due à cette influence ou à d'autres causes. Le fait est qu'il ne se trouve pas dans les plus anciennes versions syriaques, et notamment dans la Peschito
La Bible de Jérusalem :
[...] mais jusqu'au 5e siècle, les Eglises de Syrie, de Cappadoce et même de Palestine ne semblent pas avoir inséré l'Apocalypse au canon des Ecritures, preuves qu'elles ne la tenaient pas pour l'oeuvre d'un apôtre, un certain Caïus, prêtre romain du début du 3e siècle, l'attribuait même à l'hérétique Cérinthe, mais sans doute pour des motifs de polémique. Bible de Jérusalem, introduction Apocalypse.
Le livre de l'apocalypse ne nous donne guerre de précisions au sujet de son auteur. Celui-ci se donne le nom de Jean et le titre de prophète (1,1.4.9; 22,8-9); nulle part, il ne se présente comme l'un des douze. Une tradition assez ferme, dont nous trouvons déjà les traces au 2e siècle, identifie l'auteur de l'Apocalypse avec l'apôtre Jean, auquel elle attribue également le quatrième évangile. La tradition primitive ne fut cependant pas unanime à ce sujet, et l'origine apostolique de l'Apocalypse resta longtemps mise en doute dans certaines communautés chrétiennes. Les exégètes contemporains sont très partagés. Les uns affirment que les différences de style, de climat et de théologie rendent difficile l'attribution de l'Apocalypse et du quatrième évangile à un même auteur. D'autres soulignent au contraire les analogies thématiques et doctrinales ainsi que l'arrière-fond sémitique des deux ouvrages; ils pensent que l'Apocalypse et l'évangile se rattachent à l'enseignement de l'apôtre Jean par l'intermédiaire sans doute de rédacteurs appartenant aux milieux johanniques d'Ephèse. Traduction œcuménique de la Bible – Le Nouveau Testament, Société Biblique Française et Les éditions du cerf, Paris, 1985, p.776
"…Les cas les plus débattus furent ceux de l'épître aux Hébreux et de l'Apocalypse dont la canonicité fut vigoureusement niée pendant longtemps, en Occident pour le premier de ses écrits, en Orient pour l'autre"… (Ibid, p.17)
Joshua Roy Porter, professeur émérite de Théologie à l'université d'Exeter (Grande-Bretagne), membre durant 20 ans du Synode Général de l'Eglise Anglicane :
L'auteur affirme s'appeler Jean et dit avoir reçu sa révélation sur l'île de Patmos où il aurait été emprisonné à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus (Patmos était en effet, une communauté pénitentiaire romaine). Jean (en Hébreu Y[eh]ohanan, en grec Iohannes) était un nom courant et il est probable que l'auteur fut un Prophète du Christianisme primitif. Presque tous les écrits apocalyptiques se réclament d'une grande figure du passé et il se pourrait que l'apocalypse ait voulu faire croire au lecteur ou à l'auditeur qu'elle était l'œuvre de l'apôtre Jean, le fils de Zébédée. À partir, du IIe siècle ap. JC,la tradition a reconnu dans le "Jean" de l'Apocalypse l'apôtre qui est aussi l'auteur présumé du quatrième évangile et des épîtres de Jean. Or, en dehors du problème de l'authenticité de ces épîtres, il est difficile de reconnaître le même auteur dans ces différentes œuvres, mêmes si elles présentent quelques points communs. (J.r Porter, Origines et histoire de la Bible, Larousse Bordas, 1996, p.254)
Frédéric Godet :
L'Apocalypse a rencontré dès le commencement de fortes répugnances dans toute une partie de l'Eglise. Luther éprouvait pour ce livre et pour les visions obscures dont il est rempli, une sorte d'antipathie. D'un autre côté, l'Eglise a toujours contemplé dans ce livre avec un saint saisissement le tableau dramatique de ses destinées sur la terre, des luttes terribles qui l'attendent et de sa victoire finale. Elle reconnaît avec émotion dans le cri de l'Épouse qui termine le livre: Seigneur Jésus, viens! le soupir le plus profond de son propre coeur; et le sentiment de la divinité de cette révélation l'a toujours emporté chez elle sur les impressions opposées. Frederic Godet, introduction au Nouveau Testament, les Epître de Paul.