Authenticité de l'épître aux Hébreux
Dans cet article, nous nous intéresserons à l'authenticité de l'épître aux Hébreux.
Avec la renaissance des études de l'antiquité et de la littérature biblique reparurent les doutes sur l'auteur de l'épître aux Hébreux. Cajetan et Erasme furent les premiers à les exprimer. Mais le concile de Trente ferma la bouche aux savants catholiques en décrétant l'origine paulinienne de l'épître. Nos réformateurs, mus surtout par des raisons de critique interne, sont à peu près unanimes à refuser à Paul notre épître. Ils le font en des termes qui, tout en manifestant la pleine liberté de leur conviction dans les questions de cette nature, montrent aussi qu'ils admirent cet écrit, et qu'ils le considèrent comme une riche source d'instruction et d'édification. Luther, après avoir déduit ses raisons contre l'authenticité, et avoir émis le premier la remarquable hypothèse que l'épître a pu être rédigée par Apollos, ajoute : Peu nous importe ; s'il n'a pas, le premier, posé le fondement, comme il nous l'apprend lui-même (6.1), il a bâti dessus de l'or, de l'argent, des pierres précieuses ; c'est pourquoi, s'il y mêle peut-être du bois, de la paille, du chaume, cela ne nous empêche pas de recevoir en tout honneur son excellente doctrine, sans pourtant l'égaler en tout aux épîtres apostoliques. Peu nous importe de ne pas savoir qui a écrit l'épître, nous nous contentons de la doctrine que l'auteur fonde constamment sur l'Ecriture. (Oeuvres, Walch, XIV, p. 146 et suiv.) Mélanchthon partage l'opinion de son ami. Calvin s'exprime ainsi dans sa préface à l'épître : Or, quant à moi, je la reçois sans difficulté aucune entre les épîtres apostoliques, et ne doute point que cela ne soit advenu par une ruse de Satan, quand il s'est trouvé jadis des gens qui ont voulu retrancher cette épître du nombre des livres authentiques... Au reste, de savoir qui l'a composée, il ne s'en faut pas soucier grandement... De ma part, je ne puis croire que saint Paul en soit auteur,... et le réformateur développe ici ses raisons. Il n'y a pas, comme il pourrait sembler, contradiction entre la première et la seconde partie de cette citation, car par épîtres apostoliques et livres authentiques, Calvin entend des écrits qui renferment la doctrine apostolique et sont, pour cette raison, dignes de figurer dans le canon. Les arguments que Luther invoque afin de prouver que l'épître n'est pas de Paul sont principalement tirés de 2.3 et de passages tels que 6.4 et suivants ; 10.26 et suivants ; 12.17, où l'auteur de l'épître ôte à ceux qui retombent tout espoir de repentance et de salut. (Voir les notes sur ces passages.) Calvin, de même, relève 2.3, puis l'absence du nom de l'apôtre en tête de l'épître, enfin la manière d'enseigner et le style. Théodore de Bèze termine ainsi sa première note sur l'épître aux Hébreux : Que les jugements des hommes restent libres ici ; seulement, convenons tous de ceci, que cette épître a été véritablement dictée par le Saint-Esprit, et conservée à l'Eglise comme un trésor inappréciable : aucune certainement n'a montré d'une manière plus divine, ni avec plus d'art, l'analogie des institutions anciennes et de la vérité spirituelle ; nulle n'a exposé plus largement l'office de notre Médiateur. Elle est écrite enfin avec une méthode si excellente, si exacte, qu'à moins de la supposer écrite par Apollos, à peine un autre peut-il en être l'auteur que Paul lui-même. L'opinion traditionnelle trouva de nouveau des défenseurs parmi les théologiens protestants et redevint dominante au dix-septième siècle. Elle n'est contredite que par les arminiens et les sociniens. Mais dès la fin du dix-huitième siècle et pendant le dix-neuvième, surtout depuis le remarquable commentaire de Bleek (1828), des critiques en nombre croissant et appartenant à toutes les écoles, reconnurent que Paul ne pouvait être ni directement ni indirectement l'auteur de l'épître aux Hébreux. Avant d'exposer leurs hypothèses sur l'origine de l'épître, il faut l'examiner elle-même pour en noter les principaux caractères. Cet examen nous montrera pourquoi l'on ne peut attribuer l'épître à Paul et nous fournira des données pour apprécier les diverses suppositions qui ont été faites au sujet de ses destinataires et de son auteur […} Si l'on ne croit pas cette hypothèse assez fondée, il faut se résigner à ignorer l'auteur de l'épître aux Hébreux, et répéter avec Origène : Quant à dire qui l'a écrite, Dieu le sait ! Bible Annotée, introduction à l'Epître aux Hébreux.
Bible Annotée sur Hébreux 2.3 :
-Luther, Calvin, et la plupart des interprètes, ont conclu de ces paroles, non sans raison, que notre épître ne peut pas avoir été écrite par Paul, qui affirme avoir reçu l'Evangile directement du Seigneur lui-même. {#Ga 1:1,11,12 1Co 9:1 15:8-11}
Bible Annotée sur Hébreux 6.6 :
Ces redoutables paroles ont reçu diverses interprétations, dictées souvent par un intérêt dogmatique. L'on ne peut nier qu'au premier abord elles paraissent être en opposition avec d'autres enseignements de l'écriture. Elles ont été la principale cause pour laquelle l'Eglise d'Occident a longtemps refusé de recevoir l'épître aux Hébreux dans le canon, car elles étaient conformes aux vues plus strictes des Novatiens et des Montanistes, qui refusaient de réintégrer dans l'Eglise ceux qui avaient renié la foi chrétienne en temps de persécution. Luther encore relève la contradiction qu'il y a entre cet enseignement, d'après lequel le pécheur peut perdre la grâce, et celui de saint Paul sur l'élection et sur l'assurance du salut. {#Ro 8:28-39} Il se fonde principalement sur notre passage pour refuser à l'épître aux Hébreux une pleine autorité canonique.
Joshua Roy Porter écrit :
L'auteur de l'épître aux Hébreux est anonyme. La lettre explique comment Jésus représente l'accomplissement des promesses faites par Dieu à Israël. Son sacrifice est le seul à pouvoir racheter les péchés de l'humanité. Le salut est le résultat de la foi en Jésus et en ses œuvres (JR.Porter, Origines et Histoires de la Bible, Bordas, 1996, p.271)
En définitive, il faut se résigner à ignorer le nom de l'auteur. (Traduction œcuménique de la Bible – Le Nouveau Testament, Société Biblique Française et Les éditions du cerf, Paris, 1985, p.670)
Le dictionnaire de Westphal dit :
En Occident, sa canonisation et son assimilation aux ép. de Paul se sont faites suivant un tout autre processus et ont été beaucoup plus lentes. Irénée, Hippolyte, Gaïus de Rome, s'ils l'ont connue—ce qui reste douteux—ne comptent pourtant que treize ép. de Paul. Le canon de Muratori l'ignore. Tertullien la cite comme de Barnabas, non pas comme un livre canonique, mais comme l'oeuvre d'un compagnon des apôtres. Pendant tout le cours du III e s, l'épître n'est citée en Occident que par Nova-tien qui, comme Tertullien, l'attribue à Barnabas. Les premiers écrivains occidentaux qui, au IV e siècle, l'ont citée comme paulinienne et canonique, sont des hommes comme Hilaire de Poitiers, Lucifer de Cagliari, Priscillien, qui, au cours des controverses ariennes, ont été en relations avec les docteurs orientaux. C'est lorsqu'à la fin du IV e siècle les relations entre l'Église d'Orient et l'Église d'Occident sont devenues plus fréquentes, que l'épître aux Heb a été, si on peut dire, importée d'Orient en Occident et introduite dans le canon de l'Église latine, sous l'influence d'hommes comme saint Jérôme et saint Augustin, qui connaissaient bien les raisons qu'il y avait pour ne pas la considérer comme paulinienne, mais qui se déclaraient liés par l'autorité des Églises d'Orient. L'évolution s'achève avec les conciles africains d'Hippone (393) et de Carthage (397), qui comptent treize épîtres de Paul et une du même aux Heb; et l'unification est faite par Innocent I er dans sa lettre à Exupère de Toulouse (405) et par le concile de Carthage (419) qui comptent quatorze épîtres de Paul. A partir de ce moment, les doutes sur l'origine paulinienne de l'épître aux Hébreux n'apparaîtront plus que d'une manière sporadique. Ils reprendront une certaine intensité au XVI e siècle avec Érasme et les humanistes et surtout avec Luther qui l'attribue à Apollos et l'exclut du N.T. parce qu'elle enseigne l'impossibilité de la seconde repentance. Mais le concile de Trente étouffera les velléités de critique indépendante des humanistes et le développement dans le protestantisme de la doctrine de l'inspiration triomphera, bien que plus lentement, dans les Églises luthériennes, des doutes relatifs à l'origine de l'épître aux Hébreux. A l'heure actuelle, en dehors des théologiens catholiques, qui sont liés par le décret du concile de Trente, aucun critique ayant quelque autorité n'envisage l'idée d'une origine directement ou indirectement paulinienne de l'épître aux Hébreux. [...]
Il n'est guère de personnalité du siècle apostolique à laquelle on n'ait pas proposé d'en attribuer la composition; c'est ainsi que l'on a mis en avant les noms de Luc, de Barnabas, de Clément romain, d'Apollos, de Silas, de Pierre ou d'un de ses disciples, du diacre Philippe, du pres-bytre Aristion et même de Priscille; simples conjectures le plus souvent, et qui manquent tellement de base qu'il est impossible de les discuter. Celles qui ont recueilli le plus de suffrages sont les attributions à Barnabas et à Apollos. La première a pour elle le témoignage de Tertullien, mais, si elle reposait sur une tradition primitive, on aurait peine à comprendre l'attribution au même Barnabas d'une autre lettre composée vers 130 et qui a un caractère assez différent. L'attribution à Apollos est une conjecture qui n'apparaît qu'avec Luther, bien qu'elle soit sans doute antérieure à lui. Si ce que nous savons d'Apollos, Juif alexandrin, cultivé et éloquent, correspond bien à l'idée que nous pouvons nous faire de l'auteur de l'épître aux Héb., il ne faut pas oublier qu'Apollos n'a certainement pas été le seul Juif alexandrin qui se soit converti à l'Évangile. Il sera donc sage de se borner à dire que l'épître aux Heb est l'oeuvre d'un Juif hellénisé ou d'un prosélyte familiarisé avec la pensée philonienne. Quant à son nom, comme le disait déjà Origène, «Dieu seul le sait». Dictionnaire Encyclopédique de la Bible-Westphal, Epitre aux hébreux.
En conclusion : Plusieurs pères de l'Église, notamment le célèbre Évêque français Irénée n'ont pas connu l'épitre aux Hébreux, puisqu'ils ne comptaient que treize épitre de Paul (avec l'épitre aux hébreux ça fait 14). Le célèbre Père de l'Église Tertullien ne le reconnaissait pas comme un livre canonique. Ce n'est qu'au IVè siècle qu'il fut reconnut authentiques par Augustin et Jérôme. Le grand savant et réformateur Martin Luther ne le considérait pas non plus comme canonique. Quant à son auteur, personne ne sait de qui il s'agit, comme le dit Origène "Dieu seul le sait".