De la Jizya

Il est notoire que le non-musulman qui est protégé par l'état musulman (Dhimmi) est astreint à une taxe, une compensation financière, la Jizyah. La Jizya en Islam découle de ce verset :


 

Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au jour dernier, qui n'interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre jusqu'à ce qu'ils versent la capitation par leurs propres mains, en faisant acte de soumission. (Coran 9:29)


 


L'Islam n'est pas la première religion à mettre en place cette forme de système. Souvent une taxe était prélevée sur une peuplade étant occupée/administrée par une autre.  Ainsi, la Bible nous dit que Josué faisait payer la Jizya aux Cananéens:




Les fils d'Éphraïm avaient aussi des villes séparées au milieu de l'héritage des fils de Manassé, toutes avec leurs villages. Ils ne chassèrent point les Cananéens qui habitaient à Guézer, et les Cananéens ont habité au milieu d'Éphraïm jusqu'à ce jour, mais ils furent assujettis à un tribut. (Josué, 16 :9-10)




Le Christ demandait à ses disciples de payer la Jizyah aux Romains (voir, Matthieu, 17:24-27. Comparez aussi avec Romains 13 :1-7)



Quel est le sens de la Jizya en Islam? Est-ce pour humilier ou rabaisser celui qui la verse (dhimmi) ? Certains musulmans ou non, en effet le pensent et l'affirment. Selon ces personnes, la Jizya a pour but d'humilier les non-musulmans. Et lorsque celui-ci paye la Jizya doit-il être humilié par diverses brimades ? À cet égard, Anas Ahmed Lala écrit :



Quant au deuxième groupe de mots, que signifie-t-il ? Saïd Ramadan écrit : "Une autre difficulté linguistique a également donné lieu à une polémique étendue. Le mot arabe "sâghirûn", par lequel cette injonction s'achève, est une dérivation du verbe "saghara", qui signifie "se soumettre" ou "être soumis à". La force de ce mot a cependant introduit une notion d'humiliation dans de nombreuses interprétations" (op. cit., p. 160). Certains juristes du passé ont en effet compris de ce mot qu'il fallait que le dhimmi paie sa jizya en étant humilié. Pour sa part, le savant Ibn ul-Qayyim a pris position par rapport à cette interprétation. Après avoir cité quelques-unes d'entre elles, il a écrit ainsi : "Tout ceci n'a aucun fondement et ne découle pas du contenu de ce verset. Il n'est non plus rapporté ni du Prophète ni de ses Compagnons qu'ils aient agi ainsi. La vérité à propos de ce verset est que le mot "saghâr" signifie "l'acceptation, par les non-musulmans, du cadre du droit musulman et leur acquittement de la jizya" (Ahkâm ahl idh-dhimma, tome 1 pp. 23-24).


http://www.maison-islam.com/article.php?id=203

 


L'imâm An-Nawawî écrit:


En ce qui concerne cette pratique (hay'ah), je ne connais aucun rien de solide pour l'appuyer à cet égard, et elle est seulement mentionnée par les savants de Khurasan. La majorité  (jumhur) des savants disent que la Jizyah doit être prise avec gentilesse, comme on recevrait une dette (dayn). L'opinion fiable correcte est que cette pratique est invalide  et ceux qui l'ont conçu devraient être réfutés. Il n'est pas rapporté que le Prophète ou aucun des califes bien guidés ait fait une telle chose en collectant la  Jizyah." (Rawdat al-Talibin, Volume 10, p.315-16)



Il est clair qu'il n'a jamais été question d'humilier le Dhimmi puisque le Prophète Muhammad avait dit :
"Ecoutez bien : celui qui est abuse sur un mu'âhid, usurpe ce qui lui revient, le force à faire ce qui est au-dessus de ses forces, ou prend quelque chose lui appartenant sans son accord, je serai l'adversaire de celui-là le jour du jugement" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 3052, An-Nassaï, n°2749).

 

 
Voir aussi ce que dit le comité du site Islamtoday.net, à savoir:


Ce qui est signifié c'est que le Dhimmi est subordonné à cet état et non pas en état d'opposition ou de rébellion contre lui.

 
http://www.islamtoday.net/english/showme2.cfm?cat_id=2&sub_cat_id=1440

 

Ibn Sa'd rapporte dans ses Tabaqat les termes du traité entre les chrétiens de Najrân et le Prophète Muhammad, sallâllâhou alayhi wa salam :


...La protection de Dieu et la garantie du prophète Muhammad envoyé de Dieu s'étendent sur Najrân et alentours, soit sur leurs biens, leurs personnes, la pratique de leur culte, leurs absents et présents, leurs familles, leurs sanctuaires et tout ce qui, grand ou petit, se trouve en leur possession. Aucun évêque ne sera déplacé de son siège épiscopal, ni aucun moine de son monastère, ni aucun prêtre de sa cure. Aucun intérêt aux emprunts ne pèsera sur eux, ni le sang d'aucune vengeance antérieure à la soumission. Ils ne seront ni rassemblés, ni assujettis à la dîme. Aucune troupe ne foulera leur sol. Et lorsque l'un d'eux réclamera un dû, l'équité sera de mise parmi eux. Ils ne seront ni oppresseurs ni opprimés. Et quiconque d'entre eux pratiquera à l'avenir l'usure, sera mis hors de ma protection. Aucun homme parmi eux ne sera tenu responsable de la faute d'un autre. Donc la garantie de Dieu et l'assurance du prophète Mohammed envoyé de Dieu sanctionnent le contenu de cet écrit, pour jusqu'au jour où Dieu manifestera Son autorité, tant qu'ils (=Najrânites) demeureront dans de bonnes dispositions et agiront en conformité avec leurs devoirs; sans subir aucun outrage.

 

Ont témoigné: Abû Sufyân ibn Harb, Ghailân ibn 'Amr, Mâlik ibn 'Auf an-Nasri, Aqra' ibn Hâbis al-Handali et al-Mughirah ibn Chu'bah. Les présentes ont été écrites par Abdullah ibn Abi Bakr. [1]




La notion d'humiliation ne se retrouve nulle part dans ce traité.




Les premiers Califes étaient soucieux à propos du traitement des Dhimmis. Par conséquent, ils avaient l'habitude de contrôler la façon dont la Jizya était collectée. At-Tabarî rapporte dans ses chroniques qu'Oumar, r.a.a, demanda une fois à une délégation de Dhimmis : "Les musulmans ne vous maltraitent pas ou ne portent pas atteinte à vos droits ? Ils ont dit: "Nous n'avons pas connu cela mais les honneurs et les bons traitements."



Egalement, l'un des agents de `Oumar Ibn Al-Khâttab lui présenta les sommes perçues en termes de Jizyah ; `Umar les trouvant très élevées dit à son agent : "Auriez-vous accablé les gens ?" L'agent répondit : "Non. Par Dieu, nous n'avons perçu la Jizyah de la part des Dhimmis que de leur plein gré." Oumar demanda : "Sans fouet, ni flèche ?" L'agent confirma : "Sans fouet, ni flèche." Oumar dit : "Louanges à Dieu Qui n'a pas voulu que ces procédés  soient accomplis par moi ou sous mon règne." [2]



Ne parlons donc pas d'humiliations……



Jizyah est dérivé de la racine "Jaza". On utilise souvent en arabe, la phrase "Jaza, yajzi" pour  signifier le fait de compenser ou le fait de rétribuer comme quand une personne rétribue une autre pour la  récompenser d'un service rendu.


Ibn Al-Mutaraz définit la Jizya comme la substitution de la conversion à l'Islam pour le citoyen non-musulman. [3]



Al-Sarakhsi écrit :



Le but de la Jizyah, ce n'est pas l'argent, mais plutôt l'invitation à l'Islam de la meilleure manière. Parce que par l'établissement d'un traité de paix [avec les non-musulmans] fait cesser la guerre, et la sécurité est assurée pour les [non-musulmans] pacifiques, qui, par conséquent, ont la chance de vivre parmi les musulmans, expérimenter la beauté de l'Islam, ou recevoir des remontrances [rappels], ce qui pourrait les amener à embrasser l'Islam [4]



La Jizya en Islam n'est pas une simple et banale capitation antique que les vaincus humiliés payent à leurs vainqueurs ayant investis leurs terres mais un véritable contrat entre deux parties conclut avec la bénédiction de Dieu. Cette taxe n'a rien de discriminatoire dans la mesure où les musulmans s'acquittent de leur coté de la Zakat. Quoi d'étonnant dans le fait de demander à une catégorie de la population de participer elle aussi aux charges des services publics en étant imposée ? Quel gouvernement ne fait pas ce genre de chose ?



Cette taxe, les Dhimmis la versent dans la mesure de leurs moyens à l'administration musulmane qui en contrepartie ce doit d'assurer leur protection. Le Prophète (sallâllâhou alayhi wa salam) avait pris en considération la misère d'une partie conséquente des gens du Yémen et avait adapté le montant de la capitation [5]. Mais si ceux-ci s'engagent à participer à la défense militaire de l'état, ils en seront exemptés.



Ainsi, Abû `Ubaydah Ibn Al-Jarrâh, disciple de première heure du Prophète, établit un pacte avec les Garaguima chrétiens, leur proposant au choix, d'aider les musulmans et d'espionner les ennemis, ou bien alors de s'acquitter de la Jizya. Ce qui démontre que les Dhimmis doivent payer la Jizya pour obtenir la protection de l'état musulman ou bien participer à sa défense. [6]

 


Oumar Ibn Al-Khâttab, radhia allâhou anhou, disait peu avant de mourir concernant les Dhimmis, à l'adresse de son successeur :



Et je lui recommande les Dhimmis, ces gens avec qui un contrat a été fait au nom de Dieu, par le Prophète : je lui recommande de respecter le contrat conclu avec eux, que leur défense militaire soit assurée et qu'il ne leur soit pas demandé de faire ce qui est au-dessus de leurs forces [7] 



Ibn Sa'd rapporte dans ses Tabaqat que le Prophète Muhammad (sallâllâhou alayhi wa salam) conclue avec Rabica Zi Marhab Ibn Al-Hadrami un pacte de Dhimmia, lequel pacte comportait la mention :

 


la Jamâ'ah (communauté musulmane) doit défendre les gens de Zi Murhab et leur territoire ne doit jamais être violé, de même que leurs propriétés et vies. [8]

 


La phrase : la Jamâ'ah doit défendre les gens de Zi Murhab définit une fois de plus le sens de la Jizya et implique que les musulmans en contre partie de cette capitation se doivent de défendre et même sacrifier leur vies si il le faut pour défendre la sécurité des Dhimmis

 

 

'Abada Ibn Al-Samit rapporte la nature du traité avec Al-Muqawqas, le roi des Coptes :

 


Soit vous embrassez l'Islam… si vous et vos compagnons l'acceptent, vous connaîtrez à la fois le bonheur en cette vie et dans l'au-delà et nous ne vous combattront jamais et nous ne vous blesserons jamais ou ne vous agresserons. Cependant, si vous refusez, vous devez payer la Jizya. Donnez-nous la Jizya et nous conviendrons d'une somme satisfaisante pour chacun d'entre nous devant être collectée chaque année aussi longtemps que nous et que vous restons (en accord). Ainsi nous nous engageons à vous défendre et à lutter contre vos ennemis ou ceux qui violent vos terres [9]

 


Une autre preuve évidente que la Jizya est une compensation pour la protection militaire des Dhimmis est l'accord passé entre Khalid ibn al-Walid (ra) et Saluba ibn Nastuna en Irak. Salem Al-Hasi mentionne ce traité :



"Il s'agit d'une lettre de Khalid ibn al-Walid ibn Nastuna à Saluba et son peuple; je suis tombé d'accord avec vous sur al-jizyah et la protection. Tant que nous vous protégeront, nous avons le droit (de toucher) 'al-Jizyah, sinon nous ne l'avons pas."


Cet accord a été signé en l'an 12 après la Hijrah. Il a ensuite été adopté par tous les gouverneurs et les fonctionnaires, qui sont venus après Khalid (ra).


L'imâm al-Shafi`i a résumé la règle relative à la jizyah en disant que si les non-musulmans rejetaient l'Islam et acceptait la Jizyah alors, "sur eux est al-jizyah,  et pour eux est la protection." (Salem Al-Hasi, source)


 

Egalement significatif est l'exemple de Suraqah Ibn Amr qui a signé un traité avec les Arméniens l'an 22 AH/ en 642 du calendrier Grégorien, dans laquelle ceux-ci se voyaient "exonérés" de payer la Jizyah du fait de leur soutien militaire aux musulmans. [10]



Il a également été signalé dans Futûh Al-Buldân d'Al-Balâdhurî que:



…Mu'awiyah ibn Abî Sufyan a signé un traité avec les Arméniens dans lequel il fut établit que leur religion, de leur ordre politique, et leur système judiciaire ont été préservés, et les Arméniens ont ensuite été dispensés de la Jizyah pendant sept ans, après ça le choix leur furent laissés de soit payer le montant de la Jizyah de leur choix, ou, si ils ne voulaient pas payer la Jizyah, ils devaient préparer quinze mille guerriers pour aider les musulmans, et pour protéger les terres 'arméniennes. Mu'awiyah s'est engagé à fournir un soutien logistique, en cas d'attaque des Byzantins… .. [11]



Jean Claude Cheynet note:



En 652, les Arabes conclurent un accord avec le principal chef arménien, Théodore Reshtuni. Les musulmans s'engagèrent à ne pas établir de garnison en Arménie. En retour, les Arméniens promettaient de fournir 15 000 cavaliers mais sans qu'ils aient à se battre en Syrie, c'est à dire, contre les Byzantins. Ils étaient en fait utiles pour tenir des passes du Caucase contre les Khazars. En échange, les musulmans ne leveraient pas de tribut pendant sept ans.  [12]



C'est d'ailleurs bien parce la Jizya est une compensation pour la protection militaire des Dhimmis par l'état musulman, qu'elle n'est exigée que des hommes pubère, en âge et ayant la capacité de porter une arme. Al-Qurtubi écrit à cet égard :



Il y a un consensus des savants sur le fait que la Jizya est prélevé seulement sur l'adulte, les hommes qui sont qualifiés pour aller faire la guerre, pas sur les femmes ou les enfants ou les esclaves ou les gens ou les personnes faibles ou séniles ou les personnes âgées [13]




Le Calife bien guidé, Oumar Ibn Al-Khâttab donnait les injonctions suivantes aux généraux de l'armée:




Ne prélevez jamais l'impôt (Jizya) sur les femmes ou les petits enfants et ne prélevez jamais l'impôt, excepté sur les hommes qui rasent leurs barbes[14]


 * Ce qui signifie les adultes dont la barbe a commencée à pousser.




Un montant échangé contre la protection des musulmans et comme nous l'avons deja expliqué si l'état musulman n'est pas en mesure de protéger ses citoyens non-musulmans alors il n'a pas le droit à la Jizya. Salah Stétié explique:


La djizya cesse d'être due au cas où le responsable musulman faillirait à son devoir de protection: on cite notamment le cas  d'Abou  Dubaïda b. al-Manâh qui rendit à ses sujets chrétiens l'impôt de capitation qu'ils avaient payé parce que qu'il s'était trouvé empêché de les défendre contre les roûm, à savoir les Byzantins. [15]



L'historien Adam Metz  résume tout cela en ce qui suit :



Les Dhimmi qui jouissaient de la tolérance des musulmans et de leur protection payaient la Jizyah, chacun selon sa capacité. Cette Jizyah ressemblait à l'impôt de défense nationale. En conséquence, elle n'était payée que par l'homme capable de porter une arme. Les infirmes, les moines et les ermites en étaient exemptés sauf s'ils étaient fortunés. [16] 

 


Egalement, il est des individus qui invoquent le statut qu'Oumar Ibn Al-Khâttab aurait imposé aux Dhimmis, jugé humiliant, répressif, particulièrement en ce qui concerne leur tenue vestimentaire, source de grande controverse et d'allégations passionnées. Bien. Pour ce faire, reproduisons une explication à ce sujet, avancée par le Sheikh Yûsuf al-Qardâwi :




Parmi les questions exagérées par les orientalistes, il y a celle du code vestimentaire des dhimmis et le fait que `Umar Ibn Al-Khattâb — qu'Allâh l'agrée — leur aurait intimé l'ordre de ne pas chercher à ressembler aux musulmans au plan des vêtements, des selles et des sandales, et de porter sur la taille ou sur les épaules des signes distinctifs qui les différencieraient des musulmans. Ces dispositions ont aussi été attribuées à `Umar Ibn `Abd Al-`Azîz.

Certains historiens orientalistes doutent quant à l'attribution de ces conditions, ou commandements, au Calife juste `Umar Ibn Al-Khattâb — qu'Allâh l'agrée —, en raison de l'absence de toute mention à leur sujet dans les ouvrages fiables des historiens les plus anciens, et qui s'intéressaient à ce genre de sujets, à l'instar des ouvrages d'At-Tabarî, Al-Balâdhurî, Ibn Al-Athîr, Al-Ya`qûbî, et d'autres. [1]

Cela dit, cette affaire ne mérite pas que l'on se donne la peine de la contester ou de la réfuter, si l'on connaît les motivations et le contexte historique qui l'ont accompagnée.

Il ne s'agit pas d'un devoir religieux que l'on aurait l'obligation de perpétuer en tout temps et en tout lieu, contrairement à la compréhension de certains juristes qui y ont vu une prescription obligatoire. Cela n'est guère plus qu'une disposition légale contingente prise par le pouvoir en place en vue de réaliser l'intérêt général de la société à cette époque. Rien n'interdit que l'intérêt général change à une autre époque et en d'autres circonstances, et que, par conséquent, de telles dispositions soient annulées ou amendées.

La distinction entre les individus en fonction de leur religion était une nécessité à l'époque. Les adeptes des différentes confessions étaient eux-mêmes attachés à cette distinction, objectif que l'on ne pouvait alors réaliser que par le code vestimentaire. Car, à l'époque, les cartes d'identité, où l'on consigne aujourd'hui le nom de la personne, sa religion et même sa secte, n'existaient pas. C'est donc le besoin de distinguer les individus qui a motivé de telles dispositions. Ainsi aucun juriste musulman contemporain n'a suivi l'avis des anciens pronant la distinction vestimentaire, vu que cela n'est plus nécessaire.

C'est avec plaisir que je rapporte ici les propos de Dr. Al-Kharbûtlî éclairant cette question et ses motivations. Il dit [2] : « À supposer que ces prescriptions aient été édictées par les deux Califes, nous pensons que cela ne pose pas de problème. Car cela revenait à fixer un code vestimentaire au sein de la société, afin de distinguer les adeptes des différentes confessions. D'autant que cela avait lieu à une époque très ancienne de l'histoire, où il n'existait aucune carte d'identité portant les mentions habituelles de nationalité, de religion, d'âge etc. Les habits distinctifs constituaient le seul moyen de déterminer la religion de leur porteur ; les Arabes musulmans avaient leurs vêtements particuliers, tout comme les Chrétiens, les Juifs, les Zoroastriens avaient leurs vêtements particuliers. Si les orientalistes considèrent que fixer la forme et la couleur des vêtements relève de la persécution, nous leur répondons : si persécution il y avait dans ces conditions, alors elle a touché de manière égale les musulmans et les dhimmis. Car si les Califes recommandaient aux Arabes et aux musulmans de ne pas chercher à ressembler aux autres, il est logique qu'ils intiment aux non arabes et aux non musulmans de ne pas chercher à ressembler aux Arabes musulmans. »

L'historien Turton a également discuté de cette question. Son opinion consiste à dire : « Il ne fait aucun doute que la motivation sous-jacente aux règles vestimentaires était de distinguer facilement les Chrétiens et les Arabes. Cela est même énoncé très clairement chez Abû Yûsuf [3] et Ibn `Abd Al-Hakam [4]. Tous deux font partie des historiens les plus anciens dont les écrits nous sont parvenus. Il convient cependant de noter que, du temps des conquêtes, il était inutile d'imposer aux Chrétiens le port de vêtements particuliers, différents de ceux des Musulmans, car chacune des deux parties portait, de fait, des vêtements distincts. Les Chrétiens faisaient cela de leur propre chef sans aucune contrainte ni obligation. Mais le besoin apparut par la suite, après que les Arabes eurent pris part à la vie urbaine ; les populations qu'ils gouvernaient eurent tendance à les admirer et, partant, à imiter leur code vestimentaire et à chercher à s'habiller comme eux. »

Quoiqu'il en soit, si ces prescriptions d'ordre vestimentaires s'avéraient historiquement vraies, elles sont restées lettre morte la plupart du temps au fil de l'histoire. Il y a une différence entre l'existence d'une loi et son degré d'application. La majorité des califes et des gouverneurs musulmans ont adopté une politique de tolérance, de fraternité et d'égalité et ne se sont pas mêlés outre mesure de fixer un code vestimentaire pour les dhimmis, ce qui n'a guère suscité de protestation [5].

Il existe des preuves historiques appuyant les faits que nous avons mentionnés précédemment. Le poète chrétien Al-Akhtal (d. 95 A.H.) se rendait à la cour du Calife omeyyade `Abd Al-Malik Ibn Marwân vêtu d'une tunique arabe [6] assortie d'un phylactère en damas et d'une croix en or autour du cou, sa barbe suitant le vin [7], et ce dernier de lui réserver un bon accueil. De même, l'accord signé en 98 A.H. entre les Musulmans et les Mardaïtes (Jarâjimah) Chrétiens qui habitaient les régions montagneuses de la Syrie stipulait que ces derniers porteraient les mêmes vêtements que les Musulmans. [8]

Traitant du code vestimentaire des dhimmis, Abû Yûsuf dit : « On ne doit pas les laisser imiter les musulmans au plan des vêtements, de la monture, ou de l'apparence. » À ce sujet, Abû Yûsuf se fonde sur la parole de `Umar Ibn Al-Khattâb : « Afin que leur code vestimentaire soit distinct de celui des musulmans. » Autrement dit, il ne s'agit pas d'une forme de persécution mais d'un moyen visant à distinguer différentes populations, tout comme il existe aujourd'hui dans toute société moderne des codes vestimentaires différents, permettant de distinguer certaines catégories socio-professionnelles ou corps de métier.

 

http://www.islamophile.org/spip/article1392.html

 


Oumar est allé jusqu'à accepter, quà la demande des Banû Taghlib, le terme "sadaqa" soit utilisé au lieu de "jizya" pour désigner l'impôt qu'il devaient verser (rapporté par al-Bayhaqî). Si il a accepté cette concession parce qu'elle était peut-être jugée péjorative, dégradante pour ces Dhimmis, alors il est clair qu'Oumar n'allait pas chercher à les humilier.



Références :

 

 

[1] Ibn Sa'd, At-Tabaqât ul-kubrâ (266/1).

 

[2] Al-Mughni (290/9), Ahkaam Ahl ul-Dhimma (139/1)

 

[3] Al-Jami' Le' Ahkam el Qour'aane (114/8), Al-Mugharab Fi Tartib Al-Mu'rab (143/1), voir, Mukhtarel-Sahaah (44/1)


[4] Kamil Salamah al Duqs, al IIaqat al Dawliyyah fil al Islam, Djedda Dar al Shuruq, 1396/1976, p.302


[5] Rapporté par At-Tirmidhî, n° 623), Abû Dâoûd, n° 1576), et  An-Nassaï, n° 2450.

 

[6] `Abd Al-Karîm Zaydân, Ahkâm Adh-Dhimmiyyîn wal-Musta'manîn fî Dâr Al-Islâm, p.217


[7]  Rapporté par Al-Bukhârî, n° 3497.


[8] Ibn Sa'd, At-Tabaqât ul-kubrâ (266/1).


[9] Fotouh Misr wa Akhbaraha par Ibn Abdel-Hakam (68)


[10] Kamil Salamah al Duqs, al IIaqat al Dawliyyah fil al Islam, Djedda Dar al Shuruq, 1396/1976, p.302, citant At-Tarikh de At-Tabarî, volume 3, p.236


[11] Ibid, p.308


[12] Jean Claude Cheynet, "Byzance, L'empire Romain d'Orient", Armand Collin, Paris, 2001


[13] Al-Qurtubî, Al-Jami' Le' Ahkam el Qur'aane (72/8)


[14] Rapporté par At-Tirmidhî, n° 623, Abû Dâoûd, n° 1576, et  An-Nassaï 2450


[15] Salah Stélié, Mahomet, Albin Michel, Paris, 2001, p.180-181


[16]
Adam Metz , La civilisation musulmane, (96/1)



Moussa Youssouf





Source utilisée:



http://www.load-islam.com/artical_det.php?artical_id=481&section=wel_islam&subsection=Misconceptions

 



07/02/2008
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