La Sourate 5/48 et "Mouhaimin"
Plusieurs chrétiens citent le verset coranique 5/48 pour prouver aux musulmans, l'authenticité voire la préservation de leurs livres, à la lumière du Coran. Par exemple, paraphrasant les thèses de Sam Shamoun, Facealislam dit à propos du terme "Mouhaimin" :
Les significations différentes du terme "muhaimin" sont les suivantes : DIGNE DE CONFIANCE ; LE TÉMOIN ; LE GARDE ; LE CORROBORATEUR ; UN PROTECTEUR ; LE FIDÈLE ; POUR ÊTRE FIDÈLE À ; À PROTÉGER.
Le Coran est donc, le protecteur, le témoin, le garde des Ecritures précédentes, Ecritures qui sont dignes de confiance. Le Coran est également décrit comme corroborant, comme étant fidèle aux Ecritures antérieures.
Toutes ces significations convergent dans le même sens, à savoir la Bible est regardée comme un Livre authentique, et incorruptible. Le Coran lui est fidèle, corrobore la Bible, et agit comme un protecteur, un témoin, un garde de la Bible
Source :http://facealislam.free.fr/muhaimin.html
Quid alors du sens de Mouhaimin tel qu'utilisé dans le Coran ? Ebrahim Saifuddin se référant au dictionnaire Anglais/Arabe, al-Mawrid, écrit au sujet du sens du terme "Muhaymin" :
The key to these two verses rests in the next verse i.e. verse 48. In
Ahmad Simozrag explique:
Muhaimin est un terme ambigu qui a plusieurs significations :
-Liçan al-arab : haimana, a témoigné (chahida), l'oiseau haimana ala firakhihi, rafrafa, a battu des ailes sur ses petits. Haimana, observer, se porter garant.
-al-Qurtobi : muhaimin, prédominer, primer, être supérieur à... L'auteur cite Qatada qui dit: Muhaimin signifie témoin, garant. Et il cite Hassan qui dit : confirmateur. Le même auteur cite également Moujahid qui dit : Muhaiman et non muhaimin. Ici le qualiificatif (Muhaiman) se rapporte à Mohammed (p), c'est-à-dire gardien du Coran (mou'taman ala al-quraan).
-Tabari : Muhaimin, c'est-à-dire témoin (chahid), on a dit aussi : gardien, confirmateur, certains ont dit : garant.
-Allah est le Muhaimin (Surate 59 verset 23). Ce mot est différemment traduit par les traducteurs. Je retiens "le Prédominant". C'est le sens le plus proche. Même en ce qui concerne le mot "muhaimin", à mon humble avis, il signifie; primer, prévaloir, prédominer, avoir une force légale et une valeur probante supérieure.
-al-Qaradaoui traduit le terme "muhaimin" par "corriger". Le Coran corrige les livres antérieurs. Wallah aalam (Explications communiquée par Ahmad Simozrag)
Ainsi, la traduction de M. Hamidullâh est parfaitement adéquate. Toutefois, si l'on retient parmi les sens du mot "mouhaimin" celui de garant, de protecteur, de témoin des anciens livres alors qu'est-ce que cela signifie ? Commençons par expliquer comment le Coran peut être témoin contre les anciens livres. Le mot "témoin" est "chahid". En remplaçant le mot "mouhaimin" par le mot "chahid", ce dernier n'a d'autres sens que celui de juger les anciens livres, puisqu'il est antécédent au mot "'ala" qui signifie "sur". Exemples :
3.98
Dis : "Ô gens du Livre, pourquoi ne croyez-vous pas aux versets d'Allah (al-Quran), alors qu'Allah est témoin de ce que vous faites (chahid 'ala) ?"
4.159
Il n'y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n'aura pas foi en lui avant sa mort. Et au Jour de
Ainsi, le terme "mouhaimin 'ala" signifiant "chahid 'ala", implique que le Coran sera juge des anciens livres, afin d'être un témoin contre eux. Or si le Coran juge les anciens livres, ceux dont les juifs et les chrétiens ont à l'époque du Prophète (saws), comme nous le démontre le contexte, cela signifie qu'ils sont imparfaits puisque ayant besoin d'être jugés, rectifiés. Ainsi, le Coran va corriger ce qui est correct dans les anciens livres, et rejeter ce qui est faux. C'est ce qui a été exprimé notamment par le célèbre Tabi'iun, Ibn Jurayj (80-150 AH/699-767 ap. JC) et bien d'autres:
Le Coran est garant de la préservation de tous les livres qui l'ont devancé. Ce qui s'accorde avec lui est vrai, et ce qui le contredit est faux. Tafsîr ibn Kathir sourate 5.48 & Tafsîr al-Tabari sourate 5.48
Remarquez bien que dans cette citation, Ibn Jurayj dit : "Le Coran est garant de la préservation de tous les livres qui l'ont devancé…" Ce qui signifie que lorsqu'il est dit que le Coran est garant de la préservation des livres, cela ne peut pas signifier que le Coran garantie la sûreté des anciens livres, puisque Ibn Jurayj dit juste après : "Ce qui s'accorde avec lui est vrai, et ce qui le contredit est faux". Ibn Jurayj ne se contredirait pas de la sorte dans une même phrase. Ainsi, lorsqu'il est dit que le Coran est garant des anciens livres, il est clair que le seul sens possible est que le Coran, en relatant des faits et des histoires déjà mentionnés dans les anciennes écritures, il les préserve.
Sheikh Abû Al-A`lâ Al-Mawdûdî écrit dans son Tafsîr:
En arabe, haymana, yuhayminu, hayamanah signifie "pour protéger, être témoin, pour maintenir la confiance, pour soutenir". De même, "haymana al-rajul al-shay" signifie que l'oiseau a pris des ses petits sous la protection de ses ailes. Une fois que 'Oumar indiquait aux gens: 'Inni da'in fa hayminu' ("je prie ; soutenez moi en disant amin"). Dire que le Coran est muhaymin sur "le Livre" signifie qu'il préserve tous les enseignements vrais des livres divins précédents; qu'il les préserve de la perte. Le Coran confirme également ces livres parce que le contenu du Coran témoigne de la vérité de ces parties qui sont en effet de Dieu. Le Coran est un témoin au-dessus de ces livres dans le sens que, avec son aide, les éléments qui incarnent es révélations vraies de Dieu peuvent être distingués des ajouts qui les ont corrompues. Tout ce qui dans ces livres s'accorde avec le Coran est de Dieu, et ce qui n'est pas conformé à lui est d'essence humaine. (Tafhîm Al-Qur'ân, commentaire de
Le Mufti Muhammad Shafi explique:
Dieu a révélé le Coran qui confirme la Torah et l'Injîl, livres l'ayant précédé, et est également leur gardien. Ceci car, après que les gens de la Torah aient altéré la Torah et les gens de l'Injîl aient effectué des changements dans l'Injîl, ce fut le Coran seul qui s'est avéré être le meilleur surveillant et protecteur qui exposa les altérations effectuées par eux, manifesté la vérité à leur égards. Même aujourd'hui les enseignements variés de la Torah et de l'Injîl survivent toujours à travers le Coran." (Ma'ariful Qur'ân, Volume 3, p.181)
Effectivement dans une certaine mesure, le Coran se pose en gardien, protecteur ou soutien des Ecritures précédentes dans le sens où il préserve de la perte définitive certains de leurs enseignements qui survivent par son biais. Et Le Coran dit
Notre Messager (Muhammad) vous est certes venu, vous exposant beaucoup de ce que vous cachiez du livre, et en passant sur bien d'autres choses (c.à.d en omettant beaucoup)
Donc le Coran n'est pas venu pour rappeler en détail des Ecritures données aux Prophètes, comme par exemple l'Evangile de Jésus-Christ aujourd'hui dénaturé (sinon, il ne sera plus le Coran), mais il est venu rappeler les grandes lignes du message de l'Evangile (et des autres livres). Le Coran est donc en ce sens effectivement gardien et protecteur des écritures antérieures, nous souscrivons. C'est pour cela que le Coran se décrit souvent comme étant un rappel :
21.50
Et ceci [le Coran] est un rappel béni que Nous avons fait descendre. Allez-vous donc le renier ?
Ainsi, le Coran est garant des anciens livres parce qu'il corrige les mauvaises informations et rend véridique ce qui est authentique. Ibn Kathîr dit :
Le Coran est "mouhaimin" sur eux (note : les anciens livres), il rend véridique ce qui est authentique, et informe des mensonges dedans. Tafsîr ibn Kathîr sourate 20.135
"mais c'est la confirmation de ce qui existait déjà avant lui" : Des livres précédent, et "mouhaimin" sur eux, et éclaire sur ce qui a été falsifié, interprété et modifié dedans. Tafsîr ibn Kathîr sourate 10.37
Ibn Kathîr déclare que les anciens livres sont falsifiés. Soit. Mais notez bien qu'il dit aussi juste avant que le Coran est "mouhaimin" sur eux, ce qui signifie que le mot "mouhaimin" ne peut être garant que des textes originaux donnés aux prophètes, et non pas aux rajouts que nous possédons aujourd'hui, car Ibn Kathîr dit qu'ils ont été falsifiés. Et comme Ibn Kathîr ne se contredirait pas dans une même phrase sur un tel sujet, nous en déduisons indubitablement que le mot "mouhaimin" ne peut être garant que des textes originaux, ainsi il rendra témoignage de leur véracité et mettra en lumière le caractère erroné d'autre éléments se trouvant dans les livres judéo/chrétiens. Il s'agit du seul sens possible que l'on puisse donner au mot "mouhaimin".
Cette signification logique est d'ailleurs approuvée par l'ensemble des exégètes:
Al-Mayssir : Tafsir al-Mayssir sourate 5.48
Al-Tabtani : Tafsir al-Tabtani sourate 5.48
Al-Tafich : Tafsir al-Tafich sourate 5.48
Al-Baqa'i : Tafsir al-Baqa'i sourate 5.48
Al-Khazan : Tafsir al-Khazan sourate 5.48
Ibn 'Ati : Tafsir ibn 'Ati sourate 5.48
Abou Hayan : Tafsir abou Hayan sourate 5.48
Al-Tha'alby : Tafsir al-Tha'alby sourate 5.48
Al-Cha'raoui : Tafsir al-Cha'raoui sourate 5.48
Al-Tantaoui : Tafsir al-Tantaoui sourate 5.48
Al-Wahidi : Tafsir al-Wahidi sourate 5.48
Al-Jazaïri : Tafsir al-Jazaïri sourate 5.48
Hamoud : Tafsir as'ad Hamoud sourate 5.48
Al-Mouharibi : Tafsir al-Mouharibi sourate 5.48
Et le Coran est le critère pour reconstituer les livres de Dieu sous leur forme originale. Le Tafsîr d'Ibn Kathîr précise:
Ibn Abbâs : "Le Coran est garant de la préservation de chaque Livre qui l'a devancé". Ibn Jurayj : "Le Coran est garant de la préservation de tous les Livres qui l'ont devancé". Ce qui s'accorde avec lui est vrai, et ce qui le contredit est faux. Ibn Abbâs dit encore : "Le Coran est témoin". Mujahid, Qatada, as-Suddy donnent le même avis. Ibn Abbâs dit encore : "Le Coran est JUGE des Livres qui l'ont devancé. Donc, tous ces avis convergent au même sens. Dieu a fait de Son sublime et dernier Livre le réceptacle de toutes les vertus des anciennes Ecritures, et auquel Il a ajouté d'autres nouvelles. C'est pourquoi le Coran est garant, témoin et juge de toutes ces Ecritures, et c'est pourquoi Dieu S'est porté en personne garant de sa préservation : "15-10. En vérité c'est Nous qui avons fait descendre le Coran, et c'est Nous qui en sommes gardien". (Tafsîr Ibn Kathîr, Beyrouth, Dar Al-Kotob Al-Ilmiyah, 2005, p.354)
Nous voyons donc que le Coran est gardien sur les Livres antérieurs et sert de critère pour reconstituer le vrai. Ce qui le contredit est considéré comme faux et ce qui le confirme comme véridique. Et cette règle a été fixée par le Prophète, saws, lui-même :
"Si vous interrogez les Gens du Livre–de façon inévitable–alors considérez ce qui s'accorde avec le Livre de Dieu et acceptez le, et tout ce qui contredit le Livre de Dieu rejetez le." (al-Musannaf, 6/112)
Dans la deuxième partie, nous tendrons à répondre à des objections contre cette compréhension.
http://islampaix.blog4ever.com/blog/lirarticle-145578-897316.html