Se référer à la Bible en cas de doute?



 

Beaucoup de missionnaires chrétiens citent le verset coranique 10/94 et adressent une question aux musulmans : "Si selon vous, nos textes sont empreints de corruption, alors pourquoi le Coran dit à Muhammad de se référer à ces mêmes textes ?" ou mieux encore, "le Coran vous conseille de lire la Bible".

 


Et si tu es en doute sur ce que Nous avons fait descendre vers toi, interroge alors ceux qui lisent le Livre révélé avant toi. La vérité certes t'est venue de ton Seigneur : ne sois donc point de ceux qui doutent. (Coran, 10 : 94)

 


L'interprétation traditionnelle de ce verset et du conseil qui y est donné est qu'il a pour but de rendre témoignage de la véracité du Prophète, en s'enquérant chez les juifs et les chrétiens, du fait que la venue du Prophète est prédite dans leurs livres.

 


Relatant le point de vue d'Ibn Hazm à ce sujet dans son Al-Fissal (vol. 4, p. 50), le Dr. Muhammad M. Abû Laylah écrit dans son livre, The Qu'ran and the Gospels : A comparative study :

 



L'auteur d'Al-Fissal continue en disant que Dieu a ordonné à Muhammad (la Paix soit sur lui)
de s'entretenir avec les Gens du Livre pour confirmer leur connaissance concernant Muhammad (la Paix soit sur lui) en tant que Prophète, envoyé de la part de Dieu, comme cela est corroboré dans la Torah et l'Evangile. (Ibn Hazm, Al Fissal, vol. 4, p. 50)

 



Ibn Kathîr écrit dans son Tafsîr:

 


L'Envoyé (ç) rapporte t'on, avait dit: "Je ne doute pas et je n'interroge pas." Cela contient un affermissement pour la communauté ainsi qu'une information sur le caractère du Prophète (ç) cité dans les Ecritures anciennes des Gens du Livre: qui suivent l'Envoyé, le Prophète illettré, qu'ils trouvent chez eux inscrits dans la Thora comme dans l'Evangile. Ces deniers malgré cette connaissance se trouvant dans leurs Livres, opèrent des falsifications, sèment le doute, pour ne pas croire au message apporté par le Prophète (ç). (Tafsîr Ibn Kathîr, 2005, Dar al-Kotob al-Ilmoiyah, Beyrouth, p. 622)

 

 


Le sens de cette disposition est donc que le Prophète, saws, peut se tourner vers les Juifs et les Chrétiens pieux et les prendre à témoin pour qu'ils rendent témoignage de l'annonce de son apostolat. On dit aussi, qu'à travers l'expression, "Si tu doutes", c'est en fait une possibilité laissée à l'appréciation de toute la communauté musulmane.

 


Il existe une autre compréhension possible et pertinente de ce verset. Pour la comprendre, il est nécessaire que son contexte soit pleinement apprécié. Le principal thème de la Sourate Yunus est que quand le Tout-puissant envoie son messager chez un peuple, le destin de ces personnes dépend de leur acceptation ou rejet de ce même messager. S'ils rejettent le messager, ils sont punis, non seulement dans l'au-delà mais également en ce monde. Au contraire, s'ils acceptent le message de Dieu et apportent en foi en Son messager, ils sont bénis et sortent des ténèbres à la Lumière. Pour avertir les Qurayshites de ce qu'ils les attends si ils agissent en dénégateurs, Dieu leur cite à partir du verset jusqu'au verset, l'exemple des nations de Noé et du Pharaon.

 


Le verset à l'étude (Yunus 10:94) est placé à la fin de cette référence aux deux nations (de Noé et de Moïse). Si l'on subordonne l'interprétation de ce verset au contexte, alors il est évident que le verset n'est pas à comprendre au sens général mais comme se rapportant uniquement à ce qui fut énoncé précédemment. Dans ce cas de figure, la traduction contextuelle du verset devrait être :

 


Et si tu es en doute sur ce que Nous avons fait descendre vers toi [concernant l'histoire des peuples mécréants de Noé et de Pharaon], interroge alors ceux qui lisent l'Ecriture révélée avant toi. La vérité certes t'est venue de ton Seigneur : ne sois donc point de ceux qui doutent.

 


Le but de ce verset n'est donc pas de statuer sur l'authenticité des écritures judéo/chrétiennes. Il est seulement dit de prendre à témoin ces Gens du Livre en cas de doute sur le sort des nations de Noé et Pharaon puisqu'ils sont au courant de ce qui leur est arrivé, peu importe que leurs Livres soient entièrement véridiques ou pas, car le fait que Dieu les ait fait périr est de grande notoriété chez eux.

 



Un verset similaire :

 



Nous n'avons envoyé, avant toi, que des hommes auxquels Nous avons fait des révélations. Demandez donc aux gens du rappel si vous ne savez pas. (Coran, 16/43)




Le contexte suggère indubitablement qu'il s'agit d'interroger les Ahl-ul-Kitâb au sujet de la nature des messages antérieurs (des hommes, et pas des êtres angéliques contrairement aux fantasmes des Qurayshites). Et donc, encore une fois, ceci ne valide pas les textes des judéo/chrétiens car la possibilité de les interroger concerne un point très précis : la nature et l'essence des messagers antérieures. Ceci rejoint ce que Sheikh Abû Ala al-Mawdudî écrit au sujet du verset 10/94 dans son Tafsîr, Tahfîm al-Qur'ân:



Bien que ces paroles sont adressées au Saint Prophète, elles visent ceux qui expriment des doutes sur son Message. Quand à la référence aux Gens du Livre, ceci est parce qu'ils possèdent la connaissance des Ecritures, alors que le commun des gens d'Arabie ne possédait pas cette connaissance, et était de ce fait non familiarisés avec le discours Coranique.



Quoi qu'il en soit, ces versets n'impliquent nullement que les textes des Juifs et des Chrétiens sont la pure parole de Dieu.

 




01/08/2008
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