Le Coran dit qu'Abraham a commis le péché du shirk ?
Ceci est une continuation, un complément de réponse aux allégations des missionnaires chrétiens portant sur ce que dit le Coran de l'associanisme (shirk), une première réfutation ayant déjà été élaborée à ce sujet :
Réponse à Facealislam sur "Allah pardonne t'il tous les péchés ?"
Selon le polémiste chrétien, feu Karl Pfander (1803-65) :
Dans la sourate 4, les versets 51 [[DM 48]] et 116 nous disent que le seul péché que Dieu ne pardonnera jamais est le shirk (الشّرك), c'est-à-dire le fait d'attribuer des associés à Dieu. Pourtant, dans la sourate 6, 76-78, il nous est dit qu'Abraham, l'Ami de Dieu, fut coupable, précisément, de ce péché. Tous les musulmans considèrent qu'Abraham fut un prophète et ils jugent très sévèrement ceux qui nient que tous les prophètes aient été sans péché (معصومون). (Karl Pfander, Mizanu'l Haqq, version revue et complétée par W. St. Clair Tisdall, 1910, chapitre 4, Examen du Coran sur le fond – s'agit-il vraiment d'un livre inspiré ?)
Voici le passage coranique en question :
75. Ainsi avons-Nous montré à Abraham le royaume des cieux et de la terre, afin qu'il fût de ceux qui croient avec conviction.
76. Quand la nuit l'enveloppa, il observa une étoile, et dit: "Voilà mon Seigneur!"Puis, lorsqu'elle disparut, il dit: "Je n'aime pas les choses qui disparaissent".
77. Lorsque ensuite il observa la lune se levant, il dit: « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu'elle disparut, il dit: "Si mon Seigneur ne me guide pas, je serai certes du nombre des gens égarés".
78. Lorsqu'ensuite il observa le soleil levant, il dit: "Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand" Puis lorsque le soleil disparut, il dit: "Ô mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allah.
79. Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé (à partir du néant) les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés.›
80. Son peuple disputa avec lui; mais il dit: "Allez-vous disputer avec moi au sujet d'Allah, alors qu'Il m'a guidé ? Je n'ai pas peur des associés que vous Lui donnez. Je ne crains que ce que veut mon Seigneur. Mon Seigneur embrasse tout dans Sa science. Ne vous rappelez- vous donc pas ?
81. Et comment aurais-je peur des associés que vous Lui donnez, alors que vous n'avez pas eu peur d'associer à Allah des choses pour lesquelles Il ne vous a fait descendre aucune preuve? Lequel donc des deux partis a le plus droit à la sécurité? (Dites-le) si vous savez.
Le sens de ce passage coranique, dans la compréhension générale et traditionnelle, est que le prophète Abraham (sur lui la paix), dont un épisode de sa vie est relaté, tenta par le biais d'une petite mise en scène, de diriger des idolâtres égarés à l'Islam (au monothéisme pur). Il était confronté à des gens qui adoraient des corps célestes, et à travers ce petit jeu, a voulu leur démontrer que leur culte des astres ne repose sur rien et que seul Allâh est digne d'adoration. Il ne croyait pas réellement que ces objets étaient Son seigneur comme cela ressort clairement des versets 74-75, mais il feint d'y croire pour réfuter le bien-fondé de leur adoration par ce peuple, étape par étape. Ibn Kathîr Ad-Damishqi (d. 1372CE) écrit dans son célèbre Tafsîr Al-Qur'an Al-Azim:
Nous devons noter ici, en ces versets, que Abraham, la paix soit sur lui, débattait avec son peuple, leur expliquant leur erreur d'adorer idoles et images…. Quand, il prouva que ces trois objets n'étaient pas des dieux, même si ils sont les objets les plus brillants que l'on puisse voir, il dit: "O mon peuple ! Je désavoue tout ce que vous associez à Dieu", c'est-à-dire, je désavoue l'adoration de ses objets et le fait de les prendre en tant que divinités. (Ismaïl Ibn Kathîr, Tafsîr Al-Qur'an Al-Azim, Abrégé, éditions Darussalam, 2000, vol. 3, pp. 389-390)
Le Tafsîr des deux Jalal ud-Dîn explique:
"Quand la nuit l'enveloppa, il observa une étoile" : on dit que c'est l'étoile du matin
"Et dit" : à son peule, et ils étaient des adorateurs des étoiles
"Voilà mon Seigneur" : selon votre prétention
"Puis, lorsqu'elle disparut" : (s'est) absenté
"Il dit : Je n'aime pas les choses qui disparaissent" : les prendre pour divinités, parce que Dieu ne peut pas changer et se transformer…
"Lorsqu'ensuite il observa la lune se levant" : se lever.
"il dit" : à eux (son peuple)
"Voilà mon Seigneur !" Puis, lorsqu'elle disparut, il dit : "Si mon Seigneur ne me guide pas" : ne me guide sur la bonne voie.
"Je serai certes du nombre des gens égarés" : exposition pour son peuple parce qu'ils sont dans l'égarement...
"Lorsqu'ensuite, il observa le soleil levant, il dit : il l'a indiqué pour son rappel…
"Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand" que les étoiles et la lune
"Puis lorsque le soleil disparu" : et qu'est tombé sur eux la preuve et qu'ils n'ont pas voulu revenir (à la guidance)
"Il dit : "Ô mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allah" : avec les statuts… (Al-Jalalayn, Tafsîr al-Jalalayn, commentaire des versets 6.76-78, source)
Coran 6.83:
Tel est l'argument que Nous inspirâmes à Abraham contre son peuple. Nous élevons en haut rang qui Nous voulons. Ton Seigneur est Sage et Omniscient
Al-Jalalayn disent: "l'argument" : qu'a utilisé Abraham sur l'unicité de Dieu avec la disparition de l'étoile. (Ibid, commentaire du verset 6.83, source)
Al-Zamakhshari écrit : …et son père et son peuple adoraient les statuts, le soleil, la lune et les étoiles, il (Abraham) a donc voulu les corriger sur leurs erreurs dans la religion…il parle comme s'il n'était pas lié à leurs voies…. "Si mon Seigneur ne me guide pas" mise en garde pour son peuple contre eux qui prennent la lune pour une divinité… (Abû al-Qasim Mahmoud Ibn 'Umar al-Zamakhshari, Al-Kashshaaf, Commentaire de la Sourate 6.76, source)
Ar-Razî : Cela s'est passé lorsqu'il eu débat entre Abraham, paix sur lui, et son peuple, et la preuve sur cela est lorsque le Très Haut a dit à propos de cette histoire : "Tel est l'argument que Nous inspirâmes à Abraham contre son peuple" (6.83), et il n'a pas dit "contre lui (Abraham)" et il a su que cette discussion avait pour but de les mener à la croyance et à l'unicité, pas pour qu'Abraham apprenne la religion et la connaissance pour lui. (Fakhr al-Dîn ar-Razî, Tafsîr al-Kabîr, Commentaire de la Sourate 6:76, source)
Al-Shawkani dit : … Et il a été dit qu'il a voulu argumenter contre son peuple, comme le fait quelqu'un qui raconte des histoires, lorsqu'il est chez eux… Et il a été dit que le sens était celui d'avec une lettre en plus : "est-ce mon Seigneur ?" et cela signifie qu'il déteste que le Seigneur soit semblable à cela, et un exemple de ce genre est la parole du Très Haut : "Est-ce que si tu meurs, toi, ils seront, eux éternels?" (21.34) cela signifie : est-ce qu'ils seront éternels ?...et il a été dit qu'il a voulu dire : vous dites que c'est cela mon Seigneur ? Et les paroles ont été dissimulées, et il a été dit qu'il voulait dire que cela était une preuve sur (l'existence) de mon Seigneur… (Shawkani, Fathul Qadîr, Commentaire de la Sourate 6.76, source)
Une preuve supplémentaire qu'Abraham n'a pas pu commettre le shirk est qu'au jour du jugement, les prophètes mettrons en évidence leurs péchés. Or Abraham n'a déclaré comme péchés que trois mensonges (voir, Sahih Bukhari, Volume 6, Book 60, Number 236). S'il avait réellement commis l'association, il l'aurait dit.
Si l'on concède à notre ami Pfander qu'il ne s'agissait pas d'une méthodologie d'Abraham pour guider les siens à l'Islam mais que ces propos traduisaient sa pensée réelle, alors ça ne prouve toujours pas qu'il a commis le péché du shirk. On peut comprendre que ces versets du Coran évoquant le jeune Abraham à la recherche de Dieu relatent un cycle d'apprentissage de la foi. Dieu apprenait à Abraham comment rechercher Dieu. Il le faisait passer par des étapes afin de lui montrer qu'aucune des manifestations de l'univers n'est digne d'être une divinité.