Le Coran et les mots étrangers


Le Coran et les mots étrangers








Synthèse de l'objection: Le Coran est en arabe "pur" (16 :103) pourtant, il comporte un certain nombre de mots étrangers, d'origines non-arabes ! N'est-ce pas une contradiction ? Ou la preuve de l'influence de sources étrangères sur le Coran?

 


Cette question rhétorique beaucoup de des critiques, essayistes et polémistes anti-islam la posent.

 


Par exemple, le père Guy Pages, abbé du diocèse de Paris adresse une question aux musulmans :

 


Si le Coran est censé être descendu du ciel en un arabe parfait (12,2 : 26 :185…) pourquoi 107 et 275 mots ne sont-il pas arabes ?  [1]

 


Egalement Jochen Katz, missionnaire chrétien, écrit :


Troisièmement, en dépit du fait que 16:03 dit "ceci est l'arabe, pur et clair" - une déclaration qui est censée réfuter ceux qui disent que Muhammad a appris son message d'un enseignant humain qui ne parlait pas couramment l'arabe -, le Coran contient des mots et des expressions qui appartiennent à d'autres langues. Voici juste deux des nombreux exemples:

"Pharaon" provient de la langue Egyptienne et signifie roi ou potentat. Le mot pour "roi" en langue Arabe est différent.

"Injîl", qui signifie "Evangile" = Bonne nouvelle, provient de la langue Grecque. Le mot correct en Arabe est "bisharah". [2]



Des assertions similaires ont été avancées par l'universitaire Allemand, Gerd R. Puin et d'autres orientalistes. Ect… Ect… la liste est longue. Le présent et bref article a pour but de répondre à leurs préoccupations.

 


 

Notons que :

 

 


1. En fait, l'allégation provient d'une incompréhension du verset 16/103 :

 


Et Nous savons parfaitement qu'ils disent : "Ce n'est qu'un être humain qui lui enseigne (le Coran)". Or, la langue de celui auquel ils font allusion est étrangère [non arabe], et celle-ci est une langue arabe bien claire. (Coran, 16 : 103)

 

 

"'Arabiyyin mubîn" ne signifie pas en "arabe pur" mais se réfère à la clarté, à l'éloquence.

 


Ibn Kathîr écrit dans Tafsir Al-Qur'an Al-Azim:

 


La langue de celui auquel ils font allusion est étrangère [non arabe], et celle-ci est une langue arabe bien claire signifie, comment se pourrait-il que ce Coran avec son style éloquent et ses sens parfait, qui est plus parfait que n'importe quel livre révélé à tout prophète envoyé précédemment, provienne d'un étranger qui parle à peine la langue ? Personne ayant une quantité moindre de bon sens ne ne dirait une telle chose. [3] 

 


Et Allâh dit :

 


"Voilà la création de Dieu. Montrez-Moi donc ce qu'ont créé, ceux qui sont en dehors de Lui ?" Mais les injustes sont dans un égarement évident (dalalim mubîn).

 

Par conséquent, il est évident que mubîn se réfère à quelque chose de clair, évident. Il n'y a pas de doute au sujet du Coran, que ce soit au sujet de son origine, de ses implications pour l'humanité, ses lois, sa direction - tout cela est clair et simple. Muhammad Asad a écrit à cet égard :

 


L'adjectif participial mubin peut connoter un attribut du nom qu'il qualifie (« clair », « manifeste », « évident », ect…) aussi bien que sa fonction (« clarifiant», « manifestant », i.e, la vérité), chacune de ses significations est dictée par le contexte. Selon l'opinion consensuelle, ses deux sens sont compris dans l'exemple ci-dessus ; en conséquence, une phrase composée est nécessaire pour rendre l'expression appropriée.

 


Ainsi, ledit verset ne signifie pas que le Coran est en arabe pur mais en arabe clair, compréhensif. Il est évident que le Coran est linguistiquement à la fois clair et éloquent, comme l'écrivain non-musulman, John Naish en témoigne :

 


Le Coran dans sa parure originale arabe a une beauté et un charme qui lui sont propres. Conçu avec un style concis et exalté, ses phrases brèves, chargées de sens, souvent rimées, possèdent une force d'expression et une énergie explosive, qu'il est très difficile de rendre par une traduction littérale. [4]   

 


2. Il doit être noté que le fait que le Coran contient en son sein des mots d'origine non-arabes n'entache pas la pureté de son style. Sheikh Muhammad Mohar Alî, un ancien professeur de l'histoire de l'Islam a l'université Islamique de Médine, écrit à ce propos :

 


Depuis le milieu du XIXe siècle, les orientalistes ont tourné leur attention sur ce qu'ils considèrent comme "les mots étrangers" dans le Coran. Ils ont en effet pris exemple sur les écrits des savants musulmans classiques et des exégètes qui eux-mêmes, dans leur enthousiasme pour les études minutieuses de tous les aspects du Coran, ont également prêté attention aux mots et expressions d'origine non-arabes y étant contenu, qui ont été adoptées et naturalisées dans la langue arabe.


... As-Suyuti et d'autres avant lui ont souligné trois faits importants à cet égard. Tout d'abord, l'arabe, l'éthiopien, le syriaque et l'araméen sont des langues apparentées et ont un bon nombre de mots en commun en raison de leurs racines communes. Deuxièmement, au cours des contacts des Arabes avec le monde extérieur, en particulier dans le cadre de leurs échanges et du commerce, un certain nombre de mots d'origines non-arabes ont été introduits dans la langue et ont été naturalisés, étant considérés comme partie intégrante de la langue arabe. Troisièmement, dans le cadre de cette adoption et de la naturalisation aussi bien les formes que les significations originales des mots ont subi quelques modifications et changements.

 


Ces faits sont communs à toutes les langues. (…) L'arabe, l'araméen, le syriaque et l'hébreu sont toutes des langues sémitiques et avaient tous la même origine ... La langue arabe tardive s'est développée à partir de cette langue originale arabe-araméenne. C'est en raison de ce fait que toutes les langues mentionnées ci-dessus ont un certain nombre de mots et d'expressions en commun, bien que leurs sens et les connotations ont subi des changements dus à l'influence du temps et de la localité. À l'époque où le Coran est descendu, un certain nombre de mots  apparentés de ces langues ainsi que les langues des peuples voisins ont été naturalisés dans la langue arabe et étaient considérés comme partie intégrante de la norme littéraire arabe (al-'Arabiy al-mubin). La fréquence de ces mots et expressions dans le Coran est donc tout à fait naturelle, car il a été révélé dans la langue de son auditoire immédiat, les Arabes. [5]

 


Dans son analyse ci-dessus sur les mots étrangers du Coran, M. Alî Mohar apporte plusieurs points importants. Tout d'abord, il fait remarquer que l'emprunt large voire total de dialectes précédents ou étrangers est commun aux différentes langues, sans que cela n'enlève rien à la pureté de ces mêmes langues. Il affirme que les mots étrangers deviennent "partie intégrante" de la langue, ce qui maintient le statut de arabiyin mubîn. Il souligne également que tous ces mots étrangers avaient déjà été acceptés comme faisant partie de la langue arabe avant la révélation coranique. Plus loin, Alî Mohar poursuit en discutant de la recherche sur les mots étrangers par Arthur Jeffery:

 


En fait les recherches de Jeffery aspirent à montrer que les paroles qu'il a identifié comme étant d'origine étrangère ont effectivement été naturalisées et sont devenus des mots arabes ordinaires avant qu'ils ne viennent à être utilisé dans le Coran. Il énumère quelques 275 autres mots tels que les noms propres. "D'environ, les trois quarts des mots de cette liste", comme le souligne Watt, "il peut être démontré qu'ils ont été utilisés en arabe avant l'époque de Muhammad, ... Sur les 70 autres, s'il n'y a pas de preuves écrites de leur usage antérieur, il peut-être vrai qu'ils étaient déjà employés dans le discours ... " (fn. Watt, bell's Introduction etc., op. cit., p. 85).. Et compte tenu du fait que l'arabe, le syriaque, l'éthiopien, l'hébreu ou l'araméen juif sont des langues sémitiques apparentés ayant une origine commune dans l'original langue arabe-araméenne mentionné ci-dessus, ils ont beaucoup de mots en commun et aussi des formes similaires. Il est donc souvent difficile de dire lequel de ces mots apparentés est dérivé à un autre de ces langues. [6]



Ainsi, les mots arabes d'origines étrangères du Coran n'infirment pas la pureté du style coranique qui est clair, mais sont des mots incorporés au fil du temps dans cette langue tout comme ont été incorporés dans la langue de Molière, par exemple : "verdict" (d'origine anglaise), "leitmotiv" (d'origine allemande), "sacoche" (d'origine italienne), "savane" (d'origine espagnole), "abricot" ou "chiffre" (d'origines arabe).

 


Wallâhu Al'lam

 

 

Références :

 


[1] Guy Pagès, Ahmed Almahoud, Eléments pour le dialogue Islamo/Chrétien, F. X, De Guilbert, p.41



[2] http://www.answering-islam.org/Quran/Contra/qi011.html



[3] Tafsîr Ibn Kathîr, Darussalam, 2000, vol. 5, p. 528



[4] John Naish, M. A. (Oxon), D. D., The Wisdom of the Qur'an (Oxford, 1937), préface 8

 


[5] MM Ali, The Biography of the Prophet and the Orientalists, Jam'iyat 'Ihyaa' Minhaaj Al-Sunna, 2004, pp. 305-306, 308

 


[6] MM Ali, Ibid, p. 313  



29/12/2007
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