Les erreurs dans le récit d'Étienne
Selon la Bible, Étienne est le premier martyre de l'Église. On dit aussi qu'il est possible qu'il fut avec les 70 disciples de Jésus. Il n'apparait que dans deux chapitre des Actes des apôtres.
Il est rapporté à propos d'Étienne qu'il était rempli du Saint-Esprit et qu'il accomplissait plusieurs miracles :
Actes 6
3 C'est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes, de qui l'on rende un bon témoignage, qui soient pleins d'Esprit-Saint et de sagesse, et que nous chargerons de cet emploi.
4 Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la parole.
5 Cette proposition plut à toute l'assemblée. Ils élurent Etienne, homme plein de foi et d'Esprit-Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas, prosélyte d'Antioche.
6 Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains.
7 La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi.
8 Etienne, plein de grâce et de puissance, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple.
9 Quelques membres de la synagogue dite des Affranchis, de celle des Cyrénéens et de celle des Alexandrins, avec des Juifs de Cilicie et d'Asie, se mirent à discuter avec lui;
10 mais ils ne pouvaient résister à sa sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait.
Actes 6.15
Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin ayant fixé les regards sur Etienne, son visage leur parut comme celui d'un ange.
Actes 7.55
Mais Etienne, rempli du Saint-Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu.
Malgré le fait qu'Étienne avait le Saint-Esprit en lui, il a commit plusieurs erreurs comme nous allons le voir.
Commençons par ce premier passage :
Actes 7
14 Puis Joseph envoya chercher son père Jacob, et toute sa famille, composée de soixante-quinze personnes.
15 Jacob descendit en Egypte, où il mourut, ainsi que nos pères;
16 et ils furent transportés à Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté, à prix d'argent, des fils d'Hémor, père de Sichem.
Selon Etienne, Jacob a été enterré à Sichem, alors que Jacob fut enterré à Ephron :
Genèse 49
29 Puis il leur donna cet ordre: Je vais être recueilli auprès de mon peuple; enterrez-moi avec mes pères, dans la caverne qui est au champ d'Ephron, le Héthien,
30 dans la caverne du champ de Macpéla, vis-à-vis de Mamré, dans le pays de Canaan. C'est le champ qu'Abraham a acheté d'Ephron, le Héthien, comme propriété sépulcrale.
Étienne dit aussi que c'est Abraham qui avait acheté le sépulcre des fils d'Hémor, alors que c'était en fait Jacob :
Genèse 33
18 A son retour de Paddan-Aram, Jacob arriva heureusement à la ville de Sichem, dans le pays de Canaan, et il campa devant la ville.
19 Il acheta la portion du champ où il avait dressé sa tente, des fils d'Hamor, père de Sichem, pour cent kesita.
Josué 24.32
Les os de Joseph, que les enfants d'Israël avaient rapportés d'Egypte, furent enterrés à Sichem, dans la portion du champ que Jacob avait achetée des fils de Hamor, père de Sichem, pour cent kesita, et qui appartint à l'héritage des fils de Joseph.
Ceci fait deux erreurs. Les savants chrétiens ont reconnu les faits. Par exemple, la Bible Annotée dit que les erreurs existent, mais qu'elles ne sont pas importantes :
La foi des patriarches en la promesse de Dieu était si ferme que, mourant en Egypte, ils demandèrent à être transportés dans la terre de Canaan, destinée à de venir la patrie de leurs descendants. Jacob et Joseph avaient donné à leurs fils les ordres les plus positifs à cet égard. {#Ge 49:29 50:25}
Ce verset #Ac 7:16 donne lieu à trois remarques encore:
1° Il y est dit de Jacob et des pères, c'est-à-dire de tous les fils de Jacob, qu'ils furent transportés dans la terre de la promesse. Ce trait, mentionné aussi par Josèphe (Antiq. II, 8, 2), est en luimême très probable, puisque les petits-fils de Jacob auront voulu rendre à leurs pères les mêmes honneurs qu'à leur aïeul. Mais le fait n'est raconté dans l'Ancien Testament qu'à l'égard de Jacob et de Joseph.
2° Il est dit encore que ces patriarches furent ensevelis à Sichem, ce qui est vrai de Joseph, {#Jos 24:32} et probablement des autres fils de Jacob; mais Jacob lui-même fut enseveli à Ephron, dans la caverne de Macpela. {#Ge 49:29,30}
3° Il est dit enfin qu'Abraham avait acheté ce sépulcre de Sichem, mais c'est Jacob qui 1'avait acquis à prix d'argent, {#Ge 33:19 Jos 24:32} tandis qu'Abraham avait acheté d'Ephron un tombeau près de Mamré. {#Ge 50:13}
Etienne réunit en un seul les deux achats et les deux enterrements dont parle l'Ancien Testament. Les inexactitudes subsistent, mais elles sont sans importance. Bible Annotée sur Actes 7.16.
Évidemment, aucun chrétien ne dirait que l'erreur est importante car ceci va à l'encontre de sa foi. En ce qui concerne Edouard Barde, il reconnait franchement au moin l'erreur pour le nom d'Abraham au lieu de Jacob :
1. D'après Etienne tous les patriarches, Jacob y compris, ont été inhumés à Sichem. Suivant #Ge 50:13, le corps de Jacob fut déposé à Macpéla; #Jos 24:32 fait bien inhumer à Sichem les os de Joseph, mais ne dit rien de la sépulture de ses frères.
2. D'après Etienne, le sépulcre des patriarches avait été acheté par Abraham aux fils de Hemmor. Suivant #Ge 33:19, cet achat fut fait par Jacob. Abraham avait bien, lui aussi, acquis un terrain pour une sépulture; mais il l'avait acheté de Héphron, le Héthien, vis-à-vis de Mamré et non à Sichem. {#Ge 23:3-20}
Comment concilier ces contradictions sans admettre chez Etienne une interprétation oratoire, mais non mathématiquement exacte, des récits historiques? Une tradition des rabbins fait inhumer à Sichem les douze patriarches et non pas seulement Joseph; il n'y a rien d'impossible dans cette donnée. Josèphe place à Hébron le tombeau de Jacob. Au dire de Jérôme, on montrait à Sichem le sépulcre des douze patriarches. Sur ces points donc, Etienne avait pour lui diverses autorités. A-t-il commis une erreur à propos de l'achat du terrain? Calvin l'admet franchement: «Quod autem subjicit, postea fuisse in sepulcro positos, quod emerat Abraham a filiis Hemor, in nomine Abrahae erratum esse palam est...Quare hic locus corrigendus est.» Après tout, Etienne n'a pas prétendu à l'infaillibilité. Notre texte non plus n'est pas infaillible, et c'est là plutôt que je serais porté à reconnaître une faute. Il suffirait de retrancher abraam après wnhsato pour enlever la difficulté. On traduirait alors: Le sépulcre qu'on acheta (wnhsato au moyen), ou bien, en lisant o: Le sépulcre qui fut acheté. C'est l'avis proposé par Hackett. Quant à lire: arguriou kai en ekeinw o wnhsato para twn uiwn ...c'est décidément prendre trop de libertés avec un texte où les variantes se réduisent à une seule (en sucem de a, B, C est remplacé dans A, E par tou sucem). Commentaire de Barde sur Actes 7.16.
C'est identique pour le dictionnaire de Bost :
Jacob avait déjà eu quelques relations avec Hémor, et il en avait acheté un champ pour la valeur de cent pièces d'argent. {#Ge 33:19} C'est à ce fait probablement que nous trouvons une allusion dans le discours d'Étienne, {#Ac 7:16} quoique le nom d'Abraham soit mis au lieu de celui de Jacob. Pour faire disparaître cette contradiction de nom, les uns lisent Jacob, les autres notre père, au lieu d'Abraham; d'autres enfin supposent qu'il s'agit d'un fait qui ne nous est pas rapporté dans l'Ancien Testament; mais ce sont des suppositions et des conjectures forcées. Il vaut mieux dire, comme Calvin et Olshausen, qu'Étienne s'est trompé de nom, ce qui ne tire pas à conséquence, le nom n'important pas dans cette affaire, ou qu'il a confondu ce fait avec celui qui est rapporté; {#Ge 23:16} Gerlach (Bonnet et Baup) met la faute sur le compte d'un copiste ignorant.—Voir encore ce verset. {#Jug 9:28}. Dictionnaire de la Bible de Jean Augustin Bost, définition de "Hémor".
Le dictionnaire de Westphal est d'accord pour reconnaitre l'erreur :
Père de Sichem, Hévien, prince du pays {#Ge 33:19 Ge 34,jos 24:32,jug 9:28,ac 7:16}. D'après #Ge 33:19 (E), Jacob, à son retour de Mésopotamie, acheta pour s'y établir un terrain aux «fils de Hamor» près de Sichem. C'est dans ce terrain, d'après #Jos 24:32 (JE), que furent déposés les restes de Joseph. Dans le discours d'Etienne {#Ac 7:18}, il est dit que le champ de Hémor fut acheté par Abraham et servit de sépulture à Jacob et à ses fils; il y a là sans doute une confusion avec le champ d'Éphron, le Héthien, et la caverne de Macpéla (voy. #Ge 23:17 50:13 48:22 (E), rappelé par #Jn 4:5, parle de ce même terrain comme s'il avait été conquis à main armée par Jacob sur les Amoréens. Dans les fragments de #Ge 34 attribués à P (voir 1, 2, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-24, 27-29).
Dictionnaire Encyclopédique de la Bible de Westphal, définition de "Hamor ou Hémor".
Aucun commentaire sur ce que dit la TOB :
a) Variante : à Sichem. Ce verset confond la caverne de Makpéla achetée par Abraham (Gn 23,2-20) avec le champ acheté par Jacob à Sichem (Gn 33,18-19), ainsi que l'inhumation de Jacob à Makpéla (Gn 50,7-13) avec celle de Joseph à Sichem (Jos 24,32. Cette confusion reflète une tradition orale qui pourrait être samaritaine. Traduction Oecuménique de la Bible, commentaire sur Actes 7.16, page 2652.
Pareil pour Calvin :
Or quant à ce qu'il adjousté, qu'ils ont esté depuis mis au sépulchre, qu'Abraham avoit acheté des enfans d'Emmor, on voit bien clairement qu'il y a eu faute au nom d'Abraham. Car Abraham acheta une fosse double d'Ephron Chetéen pour ensevelir sa femme. Mais Joseph a esté enterré ailleurs, asçavoir au diamp que son père Jacob avoit acheté cent pièces d'argent des enfans d'Emmor. Et pourtant il faut corriger ce passage. Commentaire de Jean Calvin sur le Nouveau Testament, tome 2, commentaire sur Actes 7.16, page 554.
Comment un apôtre rempli du Saint-Esprit puisse se tromper dans un discours? C'est la raison pour laquelle, d'autres commentaires, tel que celui de Johnson, pensent plutôt qu'il s'agit d'erreurs de copistes :
Qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Hémor. Pour le récit de cet achat, voir #Ge 33:19 Jos 24:32 La difficulté survient du fait que c'est Jacob qui a fait l'achat, au lieu d'Abraham. Certains ont supposé qu'Etienne, a par erreur utilisé le nom d'Abraham, emporté par son discours et les circonstances. D'autres ont pensé qu'Abraham avait fait le premier achat, et qu'il a été ensuite renouvelé par Jacob. Aucune de ces suppositions ne semble probable. Si Etienne avait fait un lapsus, Luc l'aurait corrigé, en écrivant sous le contrôle de Paul (voir introduction aux Actes). Il est plus vraisemblable que des copistes, par négligence, aient écrit "Abraham" pour "Jacob" et que ce soient ces manuscrits qui nous sont parvenus. Un homme aussi instruit des Ecritures que l'était Etienne, et dans une défense qui était inspirée, a certainement dit "Jacob". Commentaire de Johnson sur Actes 7.16.
On ne sait pas réellement s'il s'agit d'erreurs de copistes, rien de l'indique. Par contre, on sait que le verset Actes 7.16 a subi plusieurs modifications, probablement pour tenter d'enlever les erreurs. Regardons ceci de plus près :
Actes 7.16 (Louis Segond)
et ils furent transportés à Sichem, et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté, à prix d'argent, des fils d'Hémor, père de Sichem.
Il est indiqué qu'Hémor est le père de Sichem. Cependant, si vous lisez d'autres traductions de la Bible, vous trouverez autre chose, à cause des variantes qui existent dans ce verset.
La Bible de Jérusalem dit :
b) "père de Sichem" : explicité d'après Gn 33 19. Var : "aux fils de Hémor, fils de Sichem", "aux fils d'Emmor à Sichem", "aux fils d'Emmor habitations de Sichem". Le v. 16 suit une tradition non conforme à la Bible, d'où les corrections tentées par diverses variantes. Bible de Jérusalem, notes sur Actes 7.16, page 1883.
Comme l'indique la Bible de Jérusalem, ce verset a subi des modifications parce qu'il contredisait les données de l'Ancien Testament. Du coup, il existe des variantes qui donnent un sens différent au texte. Comparez ces trois traductions différentes de la Bible :
Bible Annotée : Et ils furent transportés à Sichem et mis dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté, à prix d'argent, des fils de Hémor, père de Sichem.
Bible Darby : et ils furent transportés à Sichem, et mis dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Emmor, le |père| de Sichem.
Bible de l'Epée : Qui furent transportés en Sichem, et mis dans le sépulcre des fils d'Hémor, père de Sichem; qu'Abraham avait acheté à prix d'argent.
Bible de Jérusalem : Leurs corps furent transportés à Sichem et déposés dans le tombeau qu'Abraham avait acheté à prix d'argent aux fils d'Emmor, père de Sichem.
Bible du Rois James (2008) : Qui furent transportés à Sychem (Sichem), et mis dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté, pour une somme d'argent aux fils d'Emmmor père de Sychem (Sichem).
TOB : On les transporta à Sichem et on les déposa dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent aux fils d'Emmor, père de Sichem.
Bible Ostervald : Qui furent transportés en Sichem, et mis dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté, à prix d'argent, des fils d'Hémor père de Sichem.
Comparez avec :
Bible Fillion : Ils furent transportés à Sichem, et déposé dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Hémor, fils de Sichem.
Bible de Geneve : Lesquels furent transportez en Sichem, et mis au sepulcre qu'Abraham avoit acheté à prix d'argent des fils d'Emmor, fils de Sichem.
Bible Martin : Qui furent transportés à Sichem, et mis dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Emmor, fils de Sichem.
Et avec :
Bible Chouraqui : Ils furent ramenés à Shekhèm et mis dans la sépulture qu'Abrahâm avait acquise à prix d'argent, des Benéi Hamor, à Shekhèm.
Bible Crampon : Et ils furent transportés à Sichem et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Hémor, à Sichem.
Bible Lienart : leurs corps furent transportés à Sichem et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Emmor à Sichem.
Bible Pirot Clamer : leurs corps furent transportés à Sichem et déposés dans le sépulcre qu'Abraham avait acheté à prix d'argent des fils d'Emmor à Sichem.
Selon les premières traductions, on parle des fils d'Hémor qui est le père de Sichem.
Selon les deuxièmes, on parle des fils d'Hémor qui est le fils de Sichem.
Enfin, selon les dernières on parle des fils d'Hémor qui sont à Sichem.
La Bible Annotée dit :
-En traduisant: Hémor, père de Sichem, nous suivons le texte reçu, qui se fonde sur D et quelques majusc. et versions, et qui est conforme à #Ge 33:19. Sin, B, C portent à Sichem. Il est probable que les copistes auront fait cette correction, estimant que Sichem était ici, de même qu'au commencement du verset, un nom de lieu. Bible Annotée sur Actes 7.16.
A cause de la modifications du texte, nous avons un verset avec plusieurs sens différents.
Une autre erreur plus connu est le fait qu'Etienne dise que la famille de Jacob qui était partit en Egypte était composé de 75 personnes :
Actes 7.14
Puis Joseph envoya chercher son père Jacob, et toute sa famille, composée de soixante-quinze personnes.
Etienne contredit trois versets de l'Ancien Testament où il est dit que la famille de Jacob était de 70 personnes :
Genèse 46.27
Et Joseph avait deux fils qui lui étaient nés en Egypte. Le total des personnes de la famille de Jacob qui vinrent en Egypte était de soixante-dix.
Exode 1.5
Les personnes issues de Jacob étaient au nombre de soixante-dix en tout. Joseph était alors en Egypte.
Deutéronome 10.22
Tes pères descendirent en Egypte au nombre de soixante-dix personnes; et maintenant l'Eternel, ton Dieu, a fait de toi une multitude pareille aux étoiles des cieux.
En fait, Etienne aurait suivit la version des Septante de la Bible qui contenait des erreurs, et non la version en Hébreux qui est l'originel. La Bible Annotée dit :
Ainsi Joseph, haï, persécuté, devint le sauveur de toute sa famille. Un rapprochement avec Jésus s'offrait de lui même.
-Etienne compte soixante quinze personnes (Gr. âmes) dans la famille de Jacob se rendant en Egypte, quoique, dans trois passages de l'Ancien Testament, le texte hébreu n'en indique que soixante-dix. {#Ge 46:27 Ex 1:5 De 10:22}. Etienne tire cette donnée de la version grecque des Septante qui, dans #Ge 46:27 et #Ex 1:5, porte le chiffre de 75. Bible Annotée sur Actes 7.14.
Soixante-et-dix. C'est le nombre total des membres de la famille patriarcale établis en Egypte, en comptant cette fois Joseph et ses deux fils et enfin Jacob lui-même. Ce nombre a peut-être aux yeux de l'auteur une valeur symbolique. Remarquons aussi que chacune des servantes a la moitié du nombre des descendants de sa maîtresse. L'auteur aura voulu arriver à des chiffres symétriques. Le morceau correspondant des LXX diffère du texte hébreu en plusieurs points: huit noms ne sont pas les mêmes dans les deux listes; un nom, Huppim, fils de Benjamin, manque dans les LXX; d'un autre côté, à Joseph se rattachent cinq noms de plus: Makir, fils de Manassé, Palam et Santalaam, fils d'Ephraïm, Galaad, fils de Makir, et Edom, fils de Santalaam. On voit que les LXX suivent les descendants de Joseph jusqu'à la cinquième génération. Ils font de même de ceux de Benjamin: au lieu de dix fils, Benjamin aurait eu trois fils, cinq petits-fils et un arrière-petit-fils, qui portent les noms attribués aux fils dans le texte hébreu. Quant aux nombres indiqués, les LXX parlent aussi de soixante-six personnes descendues avec Jacob en Egypte; mais grâce aux cinq petits-fils et arrière-petits-fils qu'ils attribuent à Joseph, ils indiquent soixante-quinze au lieu de soixante-dix comme nombre total. Dans #Ac 7:14, Etienne, suivant la version des LXX, parle aussi de soixante-quinze personnes. Le nom de Huppim, fils de Benjamin, omis dans les LXX, devait précédemment s'y trouver, car en faisant le compte de leur liste, on arrive aux chiffres soixante-cinq et soixante-quatorze, ait lieu de soixante-six et soixante-quinze. Il est difficile d'expliquer ces divergences entre le texte hébreu et le texte grec. En ces cas, il nous semble qu'il faut donner raison au texte hébreu; les LXX auront en ce qui concerne Joseph et Benjamin corrigé le texte primitif pour le rendre plus conforme à #No 26 où sont indiqués les noms des pères de toutes les sous-tribus israélites (mischpachoth). Cependant la généalogie de Benjamin est loin d'être identique dans les deux passages. D'après les versets 6, 26 et 27, il semblerait que nous ayons ici le catalogue de ceux qui descendirent en Egypte avec Jacob. Mais ce ne peut être le cas, d'après les données de la liste elle-même. Ruben, qui n'avait que deux fils quelques mois auparavant, {#Ge 42:37} se trouve ici en avoir quatre (verset 9). Les deux fils de Pérets, Hetsron et Hamul, ont dû naître en Egypte, leur père étant né peu avant le départ pour ce pays; comparez #Ge 38:1, note, et #Ge 38:29. La difficulté ne serait pas expliquée si l'on supposait que l'événement raconté au commencement du chapitre 38 s'était passé avant que Joseph eût été vendu. Juda, en effet, qui n'avait que vingt ans lors de la vente de Joseph et quarante-deux ou quarante-trois lors de la descente en Egypte (comme cela résulte de #Ge 30:24, note; #Ge 41:47 45:6), ne saurait avoir eu déjà avant d'y venir des petits-fils comme Hetsron et. Hamul, qui, d'après le chapitre 38, auraient pu être ses arrière-petits-fils. Enfin il n'est pas possible que Benjamin, qui paraît dans tout ce récit comme un très jeune homme, ait eu déjà dix fils, ou même (selon les LXX) des petits-fils et des arrière-petits-fils. L'intention de cette liste a donc été de conserver les noms de tous ceux qui sont devenus chefs de famille dans chaque tribu. Elle n'a certainement pas été fabriquée d'après celle de #No 26; car cinq de ces noms ne se retrouvent pas dans les Nombres, sans doute parce que les familles issues de ces hommes s'étaient éteintes de bonne heure. Bible Annotée sur Genèse 46.27.
Le dictionnaire de Westphal dit :
1. Celui de la famille de Jacob lorsque le patriarche s'établit en Egypte (#Ge 46:8 et suivants, cf. #Ex 1:5,de 10:22). Les LXX portent un autre chiffre, rapporté par Etienne dans #Ac 7:14 et relevé par Josèphe (Ant., II, 7:4). Il suffit de serrer le texte de près pour se rendre compte que ce dénombrement, qui ne comprend que les hommes, se heurte à d'insurmontables difficultés. {cf. #Ge 46:12-20}.
Dictionnaire Encyclopédique de la Bible de Westphal, définition de Recensement".
Calvin pense que l'erreur, qui est dans les Septante, est dû à une faute de copiste :
Quant à ce qu'il dit que Jacob veint en Egypte avec septante-cinq personnes, cela ne s'accorde point avec les paroles de Moyse, Genèse XLVI, 27. Car Moyse n'en met que septante. Sainct Hiérome pense que sainct Luc n'a point récité de mot à mot ce que sainct Estiene avoit dit, mais qu'il a pris ce nombre de la translation Grecque de Moyse : pource qu'estant prosélyte, il n'a pas entendu la langue Hébraïque : ou pource qu'il a bien voulu accorder ceci aux Gentils, entre lesquels ceste lecture estoit receue. Au surplus, on est en doute, si les translateurs Grecs ont mis ce nombre de propos délibéré, ou s'il y a esté mis depuis par ignorance. Ceste dernière conjecture est bien vray-semblable, veu qu'il s'est peu aiséement faire, d'autant que les Grecs ont accoustumé de marquer les nombres par letres. Sainct Augustin au 26e livre de la cité de Dieu, pense que les nepveux et arrière-nepveux de Joseph sont yci compris. Ainsi selon son opinion, ce mot de Descente, contient tout le temps que Jacob a vescu. Mais ceste conjecture ne peut estre nullement receue. Car les autres Patriarches aussi eurent durant ce temps plusieurs enfans. De ma part, ceci me semble vray-semblable, que les septante translateurs ont tourné à la vérité
ce qui estoit en Moyse. Car on ne peut dire qu'ils se soyent abusez, veu qu'au chapitre X du Deutéronome où le nombre de septante est eneores répété, ils accordent avec Moyse : pour le moins selon qu'on lisoit le passage sans contredit du temps de sainct Hiérome. Car les exemplaires qui sont aujourd'huy imprimez, ont autrement. Je pense donc que ceste discordance est procédée de la faute de ceux qui copioyent les livres. Cependant la chose n'estoit pas de si grande importance que sainct Luc deust pourtant troubler les Gentils qui estoyent accoustumez à la lecture Grecque. Et il se peut bien faire que luy ait mis le vray nombre, mais que quelqu'un Tait mal corrigé, le tirant de ce passage-là de Moyse, qui estoit desjà corrompu. Car nous sçavons que le nouveau Testament a esté traitte par ceux qui n'entendans rien en la langue Hébraïque, estoyent seulement sçavans en la Grecque. Afin donc que les paroles de sainct Estiene fussent accordantes avec le passage de Moyse, il est probable que ce faux nombre qu'on trouvoit en la translation Grecque de Genèse, ait esté aussi transporté en ce passage. De laquelle chose si quelqu'un en veut débatre trop opiniastrement, laissons-le à part avec sa sagesse desmesurée : et de nostre costé réduisons en mémoire que S. Paul nous défend d'estre par trop curieux touchant les généalogies. Commentaire de Jean Calvin sur le Nouveau Testament, tôme 2, commentaire sur Actes 7.14, page 553.
Une autre erreur est celle qu'on retrouve dans le passage suivant :
Actes 7
2 Etienne répondit: Hommes frères et pères, écoutez! Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham, lorsqu'il était en Mésopotamie, avant qu'il s'établît à Charran;
3 et il lui dit: 7-3 Quitte ton pays et ta famille, et va dans le pays que je te montrerai.
4 Il sortit alors du pays des Chaldéens, et s'établit à Charran. De là, après la mort de son père, Dieu le fit passer dans ce pays que vous habitez maintenant;
Selon Etienne, Abraham n'est arrivé en terre promise qu'après la mort de son père. Ceci est faux, comme l'explique la Bible Annotée :
En comparant #Ge 11:32 et #Ge 12:1, l'on pourrait réellement conclure qu'Abraham ne vint en Canaan qu'après que son père fut mort. Mais selon d'autres données de la Genèse, Thérach, père d'Abraham, était âgé de soixante-dix ans lorsqu'il eut ce fils, {#Ge 11:26} et il vécut jusqu'à l'âge de deux cent cinq ans. {#Ge 11:32} Or, comme Abraham avait soixante-quinze ans lorsqu'il sortit de Charran pour venir à Canaan, {#Ge 12:4} il en résulte que son père vécut encore soixante ans après cette époque. Toutes les tentatives faites pour expliquer cette erreur de chronologie ne sont que des tours de force. Il vaut mieux en laisser simplement la responsabilité à Etienne et à la tradition qu'il suivait et qui se retrouve chez Philon. Elle est née sans doute des deux passages de la Genèse cités en tête de cette note. Bible Annotée sur Actes 7.4.
Toujours selon les Actes des Apôtres, Étienne dit :
Actes 7.53
vous qui avez reçu la loi d'après des commandements d'anges, et qui ne l'avez point gardée!
Selon Etienne, les anges participent aux commandements de la loi. Or ceci est une chose érroné, qui est provenu de la traduction des Septante. La Bible Annotée dit :
Les mots: par (gr. en ou sur) des ordonnances d'anges ont été diversement interprétés. Le sens le plus probable est que les anges ont servi d'intermédiaires.
Le récit de l'Exode, {#Ex 20} il est vrai, ne fait pas mention de la participation des anges à la promulgation de la loi. Mais ce rôle leur est attribué par une tradition que les Septante ont introduite dans l'Ecriture elle même, en traduisant le passage obscur #De 33:2, qui porte selon la version la plus usitée: "de sa droite (il a envoyé) le feu de la loi"
-"à sa droite des anges avec lui." Plusieurs auteurs du Nouveau Testament y ont puisé l'idée d'une intervention des anges, dont Dieu se serait servi pour communiquer la loi à Moïse. {#Ga 3:19,heb 2:2} Cette idée est exprimée aussi par des rabbins et par l'historien Josèphe (Antiq. XV, 5, 3). Bible Annotée sur Actes 7.53.
Étienne suivait ainsi les Septante qui ont modifiés le texte original
Pour terminer, signalons cette erreur qu'Edouard Barde a remarqué :
Actes 7
4 Il sortit alors du pays des Chaldéens, et s'établit à Charran. De là, après la mort de son père, Dieu le fit passer dans ce pays que vous habitez maintenant;
5 il ne lui donna aucune propriété en ce pays, pas même de quoi poser le pied, mais il promit de lui en donner la possession, et à sa postérité après lui, quoiqu'il n'eût point d'enfant.
6 Dieu parla ainsi: Sa postérité séjournera dans un pays étranger; on la réduira en servitude et on la maltraitera pendant quatre cents ans.
Ici, troisième difficulté. Elle ne provient pas de la différence entre 400 ans, chiffre donné maintenant, et 430, indication de #Ex 12:40, la différence est peu importante, mais bien de la comparaison avec #Ga 3:17, où le chiffre 430 marque l'intervalle entre la promesse faite à Abraham et la promulgation de la loi du Sinaï. Or, de ces 430 ans notés par l'apôtre nous devons déduire: 25 ans entre l'arrivée d'Abraham en Canaan et la naissance d'Isaac; 60 de la naissance d'Isaac à celle de Jacob; 130 de la naissance de Jacob à son arrivée en Egypte, {#Ge 47:9} soit un total de 215 ans; dès lors la durée du séjour d'Israël en Egypte serait réduite à 430—215 = 215 ans. Que deviennent les 400 indiqués par Etienne? Maints arrangements ont été essayés; je n'en connais pas un de satisfaisant, et une conclusion me paraît s'imposer: les Juifs, au temps d'Etienne, devaient avoir deux manières différentes de compter la période du séjour de leurs pères en Egypte. Peu importait à Etienne, étant donné le but de son discours, lequel des deux calculs il adoptait. Peut-être donnait-on le titre général de «période de la servitude» à l'ensemble des 430 ans compris entre la vocation d'Abraham et l'exode; mais cela n'est pas démontré. Commentaire de Barde sur Actes 7.4.
Selon Edouard Barde, Étienne ne se serait pas trompé ici, mais il aurait suivit les fausses données qui circulaient en son temps.
Ainsi, nous avons qu'Etienne s'est trompé à plusieurs reprises. Les savants chrétiens divergent pour expliquer ces erreurs. Certains disent qu'il s'agit d'erreurs de copistes, d'autres qu'Etienne suivaient des traditions qui étaient fausses.
En ce qui concerne le premier cas, il est absurde de dire que les passages où Étienne s'est trompé sont tous faux. Cette tentative de résolution du problème est trop facile, et peu bénéfique. Les chrétiens seraient alors obligés d'admettre que la Bible est un texte que tout le monde peut modifier.
Pour ce qui est du fait qu'Étienne se serait fié aux sources défectueuses de son époque, pourquoi le Saint-Esprit ne l'a-t-il pas avertit des erreurs qu'elles contenaient? Pourquoi le Saint-Esprit ne lui a-t-il pas dit que la version des Septante, ainsi que les autres sources, étaient incorrect? Un apôtre inspiré ne connait-il pas les paroles de l'Ancien Testament au point de les contredire?