Réponse à William Campbell sur Coran 5/43 et 3/93




Certains chrétiens dans leur quête de références islamiques appuyant l'authenticité de leurs livres saints ont cité ces deux versets relatifs à la Thora.

 

 

Sourate 5/43 :

Comment te demandent-ils d'être arbitre alors qu'ils ont auprès d'eux la Torah, dans laquelle se trouve le jugement de Dieu, puis se détournent après cela ?"

 

 


Appréciation du  Docteur William Campbell:

 


Dieu demande à Muhammad pourquoi les juifs viennent le trouver lui, alors qu'ils ONT la Torah où EST le jugement de Dieu

 


Source :http://facealislam.free.fr/etudecoran_pensecoran.html


 

 

Et également :

 


Sourate 3/93

Avant que la Torah ne fut révélée, tous ces aliments étaient licites pour les fils d'Israël – exception faite de ce que Israël s'interdit à lui-même. Dis : "Apportez donc la Torah et récitez-la, si vous êtes véridiques"






REPONSE :

 

 

 

 

 


Il n'est pas question ici de réfuter le fait que la Thora contient, en effet, un nombre important de jugements de Dieu mais on ne peut laisser n'importe qui distordre à sa guise les versets coraniques. Il faut considérer plusieurs choses :

 

 

Sourate 5/43 :

 

 

 

I/ Le contexte historique dans lequel ce passage fut révélé




À l'époque de la révélation coranique, des juifs vivaient dans différentes parties de l'Arabie : non seulement au Yémen mais aussi au Hedjaz : à Médine, à Khaybar, etc.. Il s'agissait soit d'Arabes convertis au judaïsme, soit d'Israélites dont les ancêtres avaient immigré et s'étaient installés en Arabie, et qui, ainsi, étaient devenus pleinement arabes.

 

À Médine, vivaient trois tribus arabes juives : Banû Qaynuqâ', Banu-n-Nadhîr et Banû Qurayza. A un moment de l'histoire, bien avant la venue de l'islam, les événements avaient fait qu'une de ces tribus, Banû Qurayza, en était arrivée à être considérée comme de moindre statut social qu'une autre, Banu-n-Nadhîr : le meurtre d'un Nadhirite par un Qurayzite entraînait la possibilité de l'application du talion, alors que le meurtre d'un Qurayzite par un Nadhirite ne pouvait exposer ce dernier à la loi du talion : la famille de la victime, Qurayzite, devaient se contenter d'un dédommagement financier.

 

Un jour – qui se passa alors que le Prophète Muhammad (sur lui la paix) vivait à Médine –, un Qurayzite fut assassiné par un Nadhirite ; les proches parents de la victime, des Qurayzites, demandèrent que l'on cesse l'inégalité qui avait été jusqu'alors de mise, et réclama la loi du talion. Les Nadhirites répondirent qu'ils s'en référeraient à Muhammad, qu'ils ne reconnaissaient certes pas comme prophète mais que, comme tous les habitants de Médine, ils reconnaissaient comme arbitre éventuel, suivant l'accord qui avait été rédigé entre les différentes communautés de Médine à l'arrivée de Muhammad. Avant d'aller auprès de ce dernier, les Nadhirites se mirent d'accord entre eux:"S'il parle, comme seule possibilité, du versement d'un dédommagement, alors prenez ce qu'il dit. Mais s'il parle de possibilité de talion aussi, ne prenez pas ce qu'il dit." C'est dans ces circonstances que le passage en question fut révélé (les éléments de ce paragraphe sont extraits de ce qu'a relaté Ibn Abbâs et qui est rapporté par Abû Dâoûd, n° 4494). Des musulmans qui étaient des Hypocrites – n'ayant accepté l'islam que du bout des lèvres – se joignirent également à ces personnes lorsqu'elles se rendirent auprès du Prophète (Bayân ul-qur'ân). (Anas Ahmed Lala, Un verset invitant à ne pas se référer au Coran mais à la Torah ?)

 


II/Le sens de ce verset

 

 

Certes, la Torah a subi certains remaniements dûs aux malheurs de l'histoire ; on pouvait donc penser qu'il était en soi possible qu'il y ait eu remaniement à propos du talion, et comprendre leur référence à Muhammad comme allant dans ce sens. Or, non seulement il est de notoriété mondiale que la loi du talion fait bien partie des lois de Dieu communiquées aux fils d'Israël, mais de plus il est évident que Dieu n'a jamais fait une distinction entre les individus d'une tribu et ceux d'une autre, permettant qu'il soit appliqué dans le cas de l'une et non de l'autre parce qu'elle est autre. De plus, ces Gens du Livre appliquaient déjà le talion à propos d'une de leurs tribus. Le verset est donc venu leur dire que s'ils considèrent que l'applicabilité du talion est la loi de Dieu présente dans la Torah, alors ils ne peuvent considérer que cette loi ne soit applicable qu'à une tribu et pas à une autre.

 
2) Certes, le Coran contient des lois différentes de celles de la Torah, certes il invite les Gens du Livre aussi à l'adopter comme leur référence, en tant que dernier message de Dieu, qui abroge les messages précédents ; à ce titre, il était possible que la loi du talion présente dans la Torah ait été abrogée par le Coran, et on peut donc comprendre leur référence à Muhammad comme allant dans ce sens. Mais le fait est que ces Gens du Livre ne croyaient pas en la véracité de Muhammad comme prophète et messager de Dieu

 

 

(……..)

 

 

 

Le verset met en exergue le fait que la possibilité du talion, présente dans la Torah, est bien la loi qui fut communiquée par Dieu aux fils d'Israël ; c'est bien pourquoi Dieu a dit : "alors qu'ils ont auprès d'eux la Torah, dans laquelle se trouve la loi de Dieu", c'est-à-dire : "dans laquelle se trouve la loi de Dieu au sujet du talion" ("in wâqi'ât-é khâssa madhkûra ké ahkâm tawrât mein mahfûz hûn" : Bayân ul-qur'ân ; voir aussi Al-Jawâb us-sahîh 1/320) ; c'est aussi pourquoi, quelques versets plus loin, Dieu confirme de façon plus explicite encore avoir donné cette loi aux fils d'Israël. (Ibid)

 

 


En somme: ce passage coranique ne qualifie pas le texte détenu par les juifs sous le vocable "Torah", de jugement de Dieu mais la loi du talion qui se trouve en son sein, il y a une nuance à saisir ici. Si la loi de talion était demain incluse dans le code pénal Français, alors ce dernier contiendrait aussi le jugement de Dieu, sans bien sur que son contenu entier soit issu d'une révélation divine. C'est aussi simple que cela.

 



Sourate 3/93 :

 

 


Pas la peine de disserter trop longuement dessus : le verset est clair.

 



Avant que la Torah ne fut révélée, tous ces aliments étaient licites pour les fils d'Israël – exception faite de ce que Israël s'interdit à lui-même. Dis : "Apportez donc la Torah et récitez-la, si vous êtes véridiques"" (Coran 3/93).

 



Ce verset traite d'un point précis : la question de la licité de certains aliments.




Ibn Abbâs dit : Un groupe de Juifs vinrent trouver le Prophète (saws). Ils lui dirent :"Parle-nous de (certaines) choses. On t'interroge sur elles, parce qu'il n'y a qu'un prophète qui puisse les connaître. –Demandez-moi ce que vous voulez, dit le Prophète (saws). Mais, donnez-moi le pacte de Dieu et celui que Jacob prit de ses fils, que si je vous parle d'une chose et que vous la reconnaissez, vous me suivez sur la voie de l'Islam. – Tu as cela, acceptèrent-ils". Et ils lui demandèrent donc de les informer sur quatre choses: "Dis-nous quelle fut la nourriture qu'Israêl s'était interdit de manger…..". Le Prophète (saws) prit d'eux l'engagement que, quand il les informa, ils le suivraient. Puis il dit :"Je vous adjure par Celui qui a fait descendre la Thora sur Moïse, savez-vous qu'Israël était tombé malade d'une maladie grave, et que sa maladie ayant duré, il fit un vœu pour Dieu ; que si Dieu le guérissait de sa maladie, il s'interdirait la meilleure nourriture et la meilleure boisson, pour lui ? C'était pour lui la viande de chameau et leur lait. –Dieu, c'est vrai. –Dieu, sois témoin !... Ahmed 2384

 


C'est d'ailleurs pour cela, comme le signale Ibn Kathîr, que le verset précédent dit :

 


3.92

Vous n'atteindriez la (vraie) piété que si vous faites largesses de ce que vous chérissez. Tout ce dont vous faites largesses, Dieu le sait certainement bien.

 


Jacob s'était interdit ce qu'il aimait le plus. Il y avait donc des aliments qui avaient déjà été interdits avant la révélation de la Torah et avant que Israël ne s'interdise ce qu'il s'interdit : il s'agit des aliments interdits à Noé, et Abraham suivait leur caractère interdit. Mais il y avait une seconde catégorie d'aliments interdits qui ne furent interdits aux fils d'Israël qu'avec la révélation de la Torah et qui, avant celle-ci, étaient restés licites pour les israélites aussi. Enfin il y avait une troisième catégorie d'aliments, constituée de ceux que Jacob/Israël s'était lui-même interdits, et au sujet du caractère interdit desquels ses fils puis toute sa descendance le suivirent : ces aliments-là, les fils d'Israël les considérèrent interdits avant même la révélation de la Torah – la révélation de la Torah vint plus tard entériner leur caractère illicite –, et alors que Abraham ne les avait pas interdits.

 


Ainsi, ce verset n'implique pas que les Juifs aient entre leurs mains la totalité de la Torah de Moïse, authentique, dénuée de manques, mais l'admonestation porte sur un cas particulier  de la Torah: la réponse à une objection de certains Israélites envers le Prophète Muhammad, saws, à savoir comment pouvait-il se targuer d'être  fidèle à la voie de Abraham, et confirmateur du fait que Moïse aussi suivait la voie abrahamique, et que, d'autre part, il déclarait licites des aliments qui étaient illicites dans la Loi de Moïse.

 

 

 

 

 

Moussa Youssouf, Tounsidu20 

 

 




01/08/2008
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