Le verset 2/256 abrogé ?
Le verset 2/256 abrogé ?
À propos de la tolérance religieuse et de l'Islam, il est souvent clamé par les ennemis de cette religion notamment parmi les Orientalistes ou les missionnaires chrétiens qu'il existe dans le Coran, des versets tolérants et des versets guerriers et que les seconds ont abrogé les premiers, annulant toute forme de tolérance vis-à-vis des non-musulmans. Le célèbre verset 2 /256 qui stipule, "Pas de contrainte en religion" est particulièrement cité comme ayant été abrogé par le "verset de l'épée", c'est-à-dire le verset coranique 9/5. Cette assertion est-elle correcte ? La réponse est négative.
Sheikh Abû Ammaar Yasir Qadhi aborde la question relative à l'abrogation alléguée du verset 9:5, et après avoir cité les différentes affirmations, il conclut :
Il peut être observé à la lumière des exemples et catégories cité précédemment, qu'en réalité, la plupart de ces versets ne peuvent pas être considérés comme ayant été abrogés, pas le moins du monde. (…) Presque tous ces versets mansûkhs [c.à.d, abrogés ou bien dont la portée a été modifiée] peuvent s'appliquer quand les musulmans se retrouvent dans une situation similaire à la situation dans laquelle le verset fut révélé. Ainsi, le verset de l'épée en réalité n'abroge pas un nombre important de versets. En fait, az-Zarqani conclu qu'il n'en abroge aucun ! (fn. Az-Zarqani, v.2, pps.275-282) [1]
Sheikh Jamal Al-Dîn Zarabozo traite également cette question dans ses écrits sur le verset « Pas de contrainte en religion » ». Il mentionne l'avis que ce verset a été abrogé puis dit:
Al-Dausiri rejette ce rapport en raison de ce qui suit : Un verset ne peut pas abroger un autre verset à moins qu'il ne supprime complètement la règle du verset antérieur et qu'il n'y ait aucune manière de réconcilier les significations contradictoires des versets. [2]
Prenant en considération l'avis de ceux qui affirment que le verset 9 :5 a abrogé le verset 2 :256, Muhammad Salim al-Awwa énonce dans son étude sur l'apostasie et le châtiment de l'apostat :
Le principe général c'est qu'il n'y a pas de contrainte en matière de religion. Allâh dit :
Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu'il croit en Dieu saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Dieu est Audient et Omniscient. Dieu est le défenseur de ceux qui ont la foi : Il les fait sortir des ténèbres à la lumière. Quant à ceux qui ne croient pas, ils ont pour défenseurs les Tagût, qui les font sortir de la lumière aux ténèbres. Voilà les gens du Feu, où ils demeurent éternellement. (Coran, 2 :256-257)
Spécifier un châtiment pour apostasie, sur la base de ce qui précède contredit la parole d'Allâh le Tout-puissant dans les versets suivants, [Qu'il n'y a pas de contrainte en religion] (Al-Baqqara 2:256). Ibn Hazm (Puisse Allah avoir pitié de lui) a réalisé cette contradiction, et pour la résoudre, il a dit que ce dernier verset a été abrogé et, que par conséquent, sa règle n'est plus en vigueur, ce qui signifie, selon lui, qu'il peut y avoir de la contrainte en matière de en religion.
Mais dire que ce verset est abrogé est inacceptable. L'abrogation de versets ne peut pas être prouvée, sauf si il existe une claire déclaration qui aurait été faite par le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui), ou l'un de ses compagnons, disant: "Le verset numéro un tel a été abrogée par le verset numéro un tel".
L'abrogation de versets ne peut pas être prouvée par les rapports des exégètes, ou par des raisonnements personnels sans des déclarations authentiques à ce sujet ou sans qu'il y ait contradiction évidente entre deux versets. C'est parce que l'abrogation de versets indiquent qu'une décision provenant d'un certain verset est tombé en désuétude, tandis qu'un autre se prononçant sur la même question dans un autre verset a été prévue durant la vie du Prophète (bénédiction et salut soient sur). Cela implique que l'abrogation d'un certain verset est quelque chose qui est soumis à la fois à l'authenticité historique et à une transmission solide remontant au Prophète ou à ses compagnons. L'abrogation, par-dessus tout, n'est pas assujettie au raisonnement collectif ou personnel (Ijtihad) ou une déduction juridique.
De même, il est intenable de dire que les paroles d'Allâh, [Qu'il n'y a pas de contrainte en religion,] ont été abrogées par des Hadîths authentiques, qui seront mentionnés plus tard sur le meurtre d'apostats. En effet, il est établi dans l'usul al-fiqh (les principes de la jurisprudence islamique), que les versets du Coran ne peuvent être abrogés que par d'autres versets du Coran ou des Hadîths mutawatir (Hadîths qui portent le plus haut degré d'authenticité).
As-Suyuti (Puisse Allah avoir pitié de lui) a compilé les versets coraniques dont il a été prouvé qu'ils ont été abrogés selon les érudits musulmans ; il y a vingt et un versets. As-Suyuti a dit aussi: «Toute affirmation selon laquelle d'autres versets que ceux-ci (vingt et un versets) ont été abrogés est fausse." L'examen de ces versets, nous constatons que le verset suivant, [Qu'il n'y a pas de contrainte en religion,] ne figure pas parmi eux.
Ainsi, ce verset est toujours en vigueur et n'a pas été abrogé. Ce constat est d'ailleurs renforcé par les autres versets dans le Coran qui insistent sur la liberté de choix, de pensée et d'opinion de l'homme. Cela indique que ce sont des principes fondamentaux de l'islam qui ne peuvent être modifiés ou abrogés.
http://www.islamonline.net/English/contemporary/2006/04/article01d.shtml
Le Sheikh Abû Zahra (rahimahullâh) écrivait à ce sujet :
Supposons qu'il était licite de tuer les infidèles et que le verset prohibant l'agression fut abrogé, il en découlerait la légitimité de contraindre les infidèles à se convertir à l'Islam. Or, nous avons déjà souligné que cela était erroné : Le texte précité : "Nulle contrainte en religion" fait partie du Coran et l'on ne peut prétendre qu'il ait été abrogé. Ibn Taymiyah dit à propos de ce texte : « Les prédécesseurs ont confirmé à l'unanimité que ce verset n'avait pas été abrogé et qu'il n'était pas spécifique. Ils disent : "Nous n'imposons l'Islam à personne mais nous combattons ceux qui nous attaquent. S'ils se rallient à l'Islam, ils préservent leurs vies et leurs biens. Nous ne tuons pas ceux qui ne combattent pas et nous ne contraignons personne à adopter l'Islam [3]
Egalement, Abû Zahra (rahimahullâh) cite un cas intéressant, celui du Calife bien guidé, Oumar Ibn Al-Khattâb et sa considération à l'égard du verset 2/256 durant son Califat.
Un jour, une vieille femme vint trouver `Omar Ibn Al-Khattâb pour lui présenter une requête. Comme elle n'était pas musulmane, `Omar la convia à embrasser l'Islam, mais elle refusa et `Omar la quitta. Mais du fait qu'il était Prince des Croyants, il craignit qu'il n'y eut dans ses propos quelque contrainte, il se tourna vers Dieu disant avec humilité : "Mon Dieu, je désirais guider et non point contraindre." Puis il récita les paroles du Très-Haut : "Nulle contrainte en religion..
A la lumière du comportement d'Oumar, r.a, nous voyons que dans son esprit, cette règle n'est pas abrogée. La présente étude concernait seulement le verset 2/256, souvent cités par les détracteurs (comme Benoit XVI par exemple...)
http://www.maison-islam.com/article.php?id=342
Références :
[1] Qadhi, An Introduction to the Sciences of the Qur'aan;
[2] Zarabozo, Il n'y a pas de contrainte en religion, Al-Bashir
[3] Cité dans Al-'Alâqât ad-duwaliyya fil-islâm